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dimanche 12 mai 2024

Conflits de basse intensité

Depuis que les affrontements ont éclaté au Soudan, entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide, un groupe paramilitaire dont les effectifs toutefois sont comparables à ceux des Forces armées soudanaises, la communauté internationale n’a qu’une seule crainte : qu’ils donnent lieu à une guerre civile déclarée, s’il n’y est pas mis fin dans l’immédiat. Trois mois plus tard, non seulement nulle médiation n’a pu les faire cesser, mais ils se sont amplifiés, provoquant en particulier d’importants déplacements de civils vers les pays voisins, et cependant ils ne sont toujours pas qualifiés de guerre civile, l’état auquel ils ressemblent le plus. Pour preuve qu’ils ne sont pas considérés comme une guerre civile, le dernier appel, pathétique, de l’ONU, à leur cessation, toujours par peur qu’ils n’évoluent en guerre civile, ce qui serait un drame épouvantable, et pour le Soudan, et pour ses voisins, qui verraient arriver sur leur sol des réfugiés en nombre bien plus grand que celui d’aujourd’hui. Mais si ce qui se passe au Soudan n’est pas encore une véritable guerre civile, malgré une ressemblance qui elle a l’air d’aller croissant, qu’est-ce que cela pourrait bien être ?

Poser la bonne question, c’est souvent y répondre. Seule réponse possible dans ce cas : une situation de ni guerre indéniable ni paix absolue. On ne sait trop qui a inventé l’expression de conflit de basse intensité, encore qu’elle soit souvent attribuée aux Américains, mais il semble rendre assez bien compte de la crise soudanaise. Un conflit de basse intensité peut être aussi bien une guerre ordinaire, entre deux Etats, qu’une guerre civile, entre deux camps à l’intérieur d’un même Etat. Il suffit pour cela qu’il ne soit pas une guerre de haute intensité, dont l’exemple typique est de nos jours la guerre en Ukraine. Ce serait déjà un grand pas de fait vers l’arrêt de celle-ci si elle rétrogradait en conflit de basse intensité, même s’il doit s’écouler plusieurs années avant qu’une paix digne de ce nom advienne. A défaut de paix, inenvisageable pour le moment, sa transformation en conflit de basse intensité se traduirait en tout premier lieu par une réduction significative des pertes humaines des deux bords et des destructions en tout genre. Il semblerait que tel soit l’objectif de l’administration américaine, qui voit s’approcher une échéance électorale cruciale, la présidentielle de novembre 2024, mais qui en revanche ne voit à l’horizon immédiat nulle victoire ukrainienne se préciser, ce qui le cas échéant rendrait plus facile la réélection de Joe Biden. Rien que dans le monde arabe, il existe aujourd’hui plusieurs conflits de basse intensité : en Syrie, en Libye, au Yémen, au Soudan, le plus récent, et au Sahara occidental, le plus ancien. La caractéristique d’un conflit de basse intensité, c’est que s’il est extensible dans le temps, en revanche il ne l’est pas dans l’espace. Comme il n’est pas assez impétueux pour déborder sur les pays voisins, ces derniers finissent par s’en accommoder. Il peut même arriver que toute violence cesse dans un conflit de cette nature. Ainsi en est-il de la guerre de Corée, le modèle même de conflit gelé depuis des décennies, laquelle théoriquement n’est pas terminée, nul accord de paix n’étant intervenu à ce jour entre les deux Corées.

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