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lundi 13 mai 2024

Rencontre organisée par Casbah éditions à la Bibliothèque nationale: Yasmina Khadra draine les foules vers ses œuvres et vers la lecture

La salle de conférence de la Bibliothèque nationale du Hamma d’Alger s’est avérée, pour une fois, trop exigüe pour contenir la foule (c’est le mot) de lecteurs venus assister à la rencontre-débat avec l’écrivain Yasmina Khadra.

Par Nadjib Stambouli

Des dizaines de personnes sont restées debout, en gardant le sourire, faute de place parmi les centaines d’autres assises et ce spectacle de salle bondée comme si c’était un concert de musique de rai ou de rap, avec pour seule différence le calme attentif du parterre, est en soi une source de réconfort. Ce souffle de satisfaction irrigue autant le cœur de l’auteur que celui de tout observateur de la scène culturelle algérienne, soulagé de voir infliger un cinglant démenti à tous les constats désabusés et pessimistes quant à la vigueur de la culture algérienne en général et de la littéraire en particulier. En effet, de mémoire de journaliste culturel, pour voir une telle affluence vers une rencontre littéraire en salle, il faudra remonter à des décennies, et encore, c’était pour des récitals poétiques. Le public venu vers Yasmina Khadra, quoique sevré de dédicaces pour une raison que tout un chacun comprend, celle d’un mal au bras, n’a pas regretté son déplacement, tant il a satisfait sa curiosité intellectuelle. En effet, les lecteurs dont certains venus d’autres wilayas, parmi lesquels on a noté la présence d’universitaires, de journalistes et de rares écrivains et ce, au lendemain d’une rencontre similaire à Oran et à la veille de celle d’aujourd’hui à Tizi Ouzou, ont eu à apprécier les réponses d’un Yasmina Khadra qui n’a éludé aucune question. Ainsi, en parsemant ses réponses de touches d’humour, il a abordé son style, ses méthodes et rythme d’écriture, les sources d’inspiration et ses thèmes de prédilection, bref tous les ingrédients qui ont irrigué et irriguent encore les œuvres d’un écrivain traduits dans des dizaines de langues. D’ailleurs, il est revenu à plusieurs reprises sur cette stature internationale, regrettant en même temps les querelles entre écrivains algériens ou africains et ceux du tiers-monde, alors que l’Occident se protège contre les intrusions d’autres univers dans une littéraire mondiale qu’ils considèrent comme leur chasse gardée. Réfutant l’accusation souvent brandie envers sa personne, celle d’arrogant et de mégalomane, Yasmina Khadra dira que «pour une fois» il va
l’être, en affirmant au sujet de son prochain roman «Les vertueux» (sortie prévue au mois d’août) : «Vous serez scotchés !». Verdict que l’on souhaite prémonitoire et prononcé en toute modestie bien sûr… Sur ce registre de l’égocentrisme de l’auteur, on peut faire remarquer que les réflexes d’autosatisfecits qu’il se décerne en toute occasion émanent non pas d’un vide ou d’un brassage de vent, mais d’un talent mondialement reconnu, et s’expriment sous le sceau de l’adage algérien «sois lion et dévore-moi». Interpellé sur «la mode de l’anglais» en substitut du français, il balaiera d’un revers de main ferme cette perceptive, confirmant qu’il continuera à écrire en français «plus belle langue pour le roman» et assénant que notre pays doit s’ouvrir à toutes les langues, mais sans en imposer une au détriment de l’autre. Vivant sous d’autres cieux donc doté de recul, observateur lucide et dépassionné de la situation de notre Algérie à laquelle il voue un attachement quasi fusionnel rarement observé chez des hommes de culture de son envergure, il manifestera par maintes allusions, à la fois inquiétude et optimisme, en évoquant des laboratoires manipulant nos ilots de fragilité. Mais c’est le sentiment d’espoir et d’augures radieux qui à chaque fois reprendra le dessus, face à la tentation du défaitisme et aux sirènes de la division. D’abord animé par un modérateur qui a placé des jalons pour l’approche de l’œuvre et du style khadraoui, le débat a ensuite, sur proposition de l’écrivain, été ouvert à l’ensemble de l’assistance.
La rencontre s’est terminée, Yasmina Khadra se soumettant avec sourires aux selfies, dans la satisfaction générale, celle de l’auteur, de Casbah éditions, des préposés de la Bibliothèque nationale et surtout d’une masse de lectrices et de lecteurs avides d’écrits de qualité, ce qui laisse présager d’un bel avenir pour notre littérature, étant su que son actionnaire moral est le lectorat.
N. S.

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