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lundi 20 mai 2024

Le péril de la neutralité

Trois mois après avoir commencé, le conflit armé interne soudanais, opposant les Forces armées soudanaises au groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide, ce que certains Occidentaux ont aussi appelé la «guerre des généraux», loin de tendre vers l’apaisement, s’est au contraire exacerbé, ce qui fait craindre son évolution en guerre civile déclarée. Dans son état actuel, et au regard du nombre de victimes civiles qu’il a déjà fait, ce conflit n’est en fait pas loin de devenir cette guerre civile que les pays voisins du Soudan cherchent à lui éviter, dans son intérêt certes, mais aussi dans le leur. Deux réunions se sont tenues dernièrement, la première à Addis-Abeba, celle du quartet de l’Igad, bloc régional d’Afrique de l’Est, laquelle a été présidée par le président kenyan, William Ruto ; et la deuxième, au Caire, rassemblant aussi des pays voisins du Soudan, dont certains avaient même pris part à la première. En fait, s’il y a eu coup sur coup deux réunions sur le même sujet, c’est parce que le pouvoir soudanais récuse non sans véhémence la première, car présidée par quelqu’un qu’il accuse de partialité.

Argument qui en principe ne devrait pas jouer s’agissant de la deuxième réunion, l’Egypte étant connue pour sa préférence à l’égard de l’armée soudanaise, tempérée cependant par une posture de neutralité jusque-là plutôt crédible. Ce qui d’ailleurs n’est pas sans inconvénient, l’autre faction soudanaise, les Forces de soutien rapide, pouvant soulever une objection symétrique. Mais ce qu’elle n’a pas fait, et qui explique peut-être que la réunion du Caire n’ait pas été inutile, les deux belligérants acceptant de reprendre leur dialogue indirect à Djeddah, sous l’égide à la fois de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis. Pour autant, il ne faut pas trop se faire beaucoup d’illusions quant à l’issue de ces pourparlers qui en réalité n’en sont pas. Le fait est que lorsqu’un pays, quel qu’il soit, qu’il s’appelle le Soudan ou qu’il porte un autre nom, qu’il se situe en Afrique ou ailleurs dans le monde, lequel au bout d’un processus étalé sur plusieurs années se retrouve avec deux armées, la seule issue pacifique possible, c’est que l’une s’efface devant l’autre, acceptant soit de se dissoudre et de disparaître, pour ainsi dire corps et biens, soit de se fondre entièrement dans l’autre. En principe d’ailleurs, c’était ce qui devait se produire au Soudan, les Forces de soutien rapide étant en voie d’être absorbées dans l’armée commandée par le général Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’Etat en exercice. En tout état de cause, c’est au groupe parlementaire de se fondre dans l’armée régulière, ce n’est pas le contraire. N’était la position des Etats-Unis, pour qui le conflit actuel découle d’une rivalité entre deux généraux, et qui pour cela ont appelé à une solution négociée entre eux deux, c’est probablement dans cette direction que les efforts des pays voisins se seraient employés, à l’exception peut-être de l’un ou l’autre d’entre eux qui lui aurait un intérêt particulier à ce que la crise se résolve différemment. Or la position américaine n’a pas seulement pour elle d’être celle de la première puissance au monde, elle semble aussi être la seule qui soit possible ou juste, et même les deux à la fois. Quand deux factions en viennent à se faire la guerre, le bon sens n’est-il pas de leur demander d’arrêter les affrontements, d’épargner la vie des civils, et de se mettre sur-le-champ autour d’une table de négociation pour trouver une solution pacifique à leurs différends ? Dans le cas du Soudan, cela revient à donner toutes ses chances à la guerre civile.

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