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jeudi 18 avril 2024

Assainissement du fichier national du logement: La sous-location AADL, un business lucratif

L’instruction donnée avant-hier par le président de la République, lors du Conseil des ministres, sur une révision du fichier national du logement pour l’assainir à nouveau des indus bénéficiaires de logements sociaux, remet sur la table la question récurrente de la sous-location des logements soutenus par l’Etat.

Par Lynda Naili

Si en effet, l’instruction en question vise à sévir sur le «détournement» des logements sociaux, en réalité cette pratique touche toutes les formules d’habitation directement soutenues par l’Etat, à savoir le social, LPA, LSP et l’AADL. Transaction très lucrative quand on sait l’anarchie dans laquelle évolue le marché de la location privée dans le pays, nombreux sont les acquéreurs AADL, et dont la majorité n’a pas d’acte de propriété, ont mis en location leurs appartements, ouvrant ainsi la voie aux courtiers immobiliers de pratiquer des prix de location exorbitants. En effet, force est de constater que les locataires-écran en question sont, pour une bonne partie, des indus bénéficiaires de ces formules subventionnées, dans le sens où ils sont déjà en possession d’un bien immobilier, voire même résidant à l’étranger. Parmi eux figurent même ceux qui font dans le vente du pas de porte, vu qu’ils n’ont aucunement besoin de logement.
Toutefois, le restant d’entre eux a recours à cette pratique pour de nombreuses raisons socio-économiques. Et pour cause, majoritairement salariés moyens, tous évoquent l’affectation des logements loin de leur résidence initiale, ce qui, selon eux, pose «le problème de la scolarisation des enfants et l’éloignement du lieu de travail». Toutefois, souligneront les concernés rencontrés, le véritable problème réside dans le montant du loyer dont les bénéficiaires AADL doivent s’acquitter. «Avec mon salaire de 30 000 DA, j’ai pu postuler et avoir un logement AADL à la Nouvelle ville de Sidi Abdallah. Sauf que, chaque mois, je dois payer 18 000 DA de loyer, 5 000 DA pour les charges d’entretien et les factures de consommation d’eau et d’électricité. Avec ce qui me reste, je suis dans l’incapacité d’offrir une vie décente à ma famille. C’est pourquoi, j’ai été obligé de louer mon appartement et de continuer à vivre chez mes parents», reconnait Ali. Zohir, dont le pouvoir
d’achat n’a rien à envier à celui d’Ali, dira recourir à la sous-location pour payer sa «location actuelle» qu’il dit assumer «depuis une dizaine d’années». Ainsi, si chacun de ces locataires fraudeurs a ses propres raisons, tous ne semblent pas réaliser l’ampleur des risques et des griefs juridiques dont ils se sont rendus coupables du fait de sous-louer des logements subventionnés par l’Etat, et passifs de résiliation et d’emprisonnement. Pour eux, c’est «une question de pouvoir d’achat» et de «confort décent».
Face à cette situation, et dans le cadre de la consécration du droit au logement et celui de l’équité sociale, l’Etat, à travers le département de l’Habitat, devra renforcer son action (décidée depuis 2018 déjà) pour sévir contre ce phénomène de sous-location. En juin dernier, à l’APN, Kamel Nasri, ministre de l’Habitat, répondant aux questions des députés, a fait savoir, sans toutefois donner d’échéancier, l’intention de son département de procéder à «l’opération de récupération des logements sociaux (AADL, LPP, LPA, LSP) inoccupés durant au moins six mois par leurs véritables locataires», ce qui entraînera, avait-il dit, la résiliation du contrat de location et son affectation à d’autres bénéficiaires. «Les propriétaires (fraudeurs) seront déférés devant la justice», avait-il averti, tout en affirmant que des commissions du ministère de l’Habitat sont actuellement en train d’enquêter sur le terrain en vue de vérifier l’occupation effective du logement par son véritable locataire et de pouvoir ainsi lister et identifier de façon exhaustive tous les logements vacants avant d’engager la procédure de récupération.
Si cette opération est manifestement nécessaire parce que violation de la règlementation il y a eu, néanmoins, il est tout aussi impératif de s’attaquer également à ceux qui se livrent à ce business aussi illégal que lucratif. Il s’agira donc de savoir comment sont accordés les logements soutenus par l’Etat à des personnes dont les signes d’aisance sont avérés ? Une démarche tout aussi irréfutable, lorsqu’en parallèle à ce constat l’on voit le nombre de rassemblements et de protestations que tiennent quasi régulièrement à travers les wilayas des souscripteurs en attente ou exclus des listes AADL alors que véritablement ils ne disposent d’aucun bien immobilier, souffrent des affres de la location où vivent dans des habitations précaires.
C’est là d’ailleurs l’essence même de l’instruction du chef de l’Etat qui pour «bannir le favoritisme dans la distribution de logements», dans une allocution à l’ouverture de la rencontre walis-gouvernement le 16 février dernier, avait ordonné «l’unification du Fichier national de logement, toutes formules confondues, y compris le logement rural et le promotionnel aidé en vue d’identifier les bénéficiaires et parvenir à une distribution équitable».

L. N.

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