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dimanche 26 mai 2024

Décrépitude

Aux États-Unis, les maires progressistes les plus radicaux élus sous le fanion démocrate ces dernières années ont voulu mettre en pratique leur idéologie libérale à outrance, pensant instaurer une utopie qui leur aurait été refusée cyniquement par les méchants conservateurs. Mais quelques années plus tard, le bilan est tristement catastrophique. Et les cités utopiques dont ils rêvaient semblent aujourd’hui tout droit sorties d’un cauchemar dystopique. A l’instar de Portland dans l’Oregon, qui a promulgué le 1er avril une loi criminalisant de nouveau la possession de drogues dures, plusieurs des grandes villes démocrates ont ainsi entrepris, à six mois des élections, de durcir leur approche contre le trafic de stupéfiants et la criminalité. Ted Wheeler, le maire de Portland, qui avait soutenu les revendications portées par les manifestants de 2020 de «définancer la police», a remis les forces de l’ordre dans la rue. Depuis des années, Portland, la capitale économique de l’Oregon, est, avec San Francisco (Californie), la cible préférée des républicains pour sa politique pénale jugée trop libérale. A moins de sept mois d’une élection présidentielle marquée par le thème de l’insécurité, les démocrates locaux viennent de donner à la droite américaine des raisons de pavoiser. Le 1er avril, la gouverneure Tina Kotek a promulgué une loi qui criminalise de nouveau la possession de drogues dures, revenant sur la dépénalisation qui avait été adoptée par plus de 58 % des électeurs de l’État d’Oregon, en novembre 2020, dans l’euphorie des manifestations antiracistes. La politique non répressive a «échoué», a reconnu le maire démocrate de Portland, Ted Wheeler. L’aveu a donné du grain à moudre aux républicains, qui ont fait de la sécurité, notamment à la frontière mexicaine, leur thématique favorite pour les élections du 5 novembre. La dépénalisation de 2020 dans l’Oregon, une mesure restée sans précédent dans le pays, avait été saluée comme l’avant-garde d’une nouvelle approche. L’Amérique prenait acte de l’échec de la «guerre contre la drogue» lancée en juin 1971 par Richard Nixon. Chez les démocrates comme chez les républicains, beaucoup étaient sensibles à l’argument présenté depuis des années par les intellectuels afro-américains : le tout répressif avait abouti à un phénomène d’«incarcération de masse», frappant les jeunes Noirs de manière disproportionnée. «L’Oregon a fait une expérience audacieuse et elle a échoué, a expliqué Ted Wheeler au ‘’New York Times’’, lundi 1er avril. Soyons honnêtes. Le timing était mauvais et, franchement, la politique n’était pas la bonne». Le maire met en cause l’insuffisance des services de traitement, qui auraient dû être mis en place bien avant la dépénalisation. Surtout, ajoute-t-il, les villes américaines n’étaient pas préparées à l’épidémie d’overdoses dues aux opioïdes de synthèse. Portland, San Francisco ou encore Chicago et même New York, suite aux politiques sécuritaires ultra laxistes, sont devenues des cloaques où le quotidien pour de nombreux simples citoyens espérant vivre sereinement est désormais impossible. Les exodes de dizaines de milliers d’habitants ayant les moyens financiers de déménager vers des villes où la loi et l’ordre sont encore appliqués ont vidé ces dernières années les métropoles démocrates, condamnant les plus démunis à devoir subir impuissants la déliquescence de leurs quartiers. Reste à voir si le sursaut des élus de Portland se répercutera sur d’autres villes démocrates qui auront également la lucidité d’admettre que leurs rêves de permissivité ont surtout permis à la violence, à la criminalité et la décrépitude de prendre place.

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