Parlant récemment à BBC, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a fait savoir à ceux qui parmi les alliés s’impatientaient de le voir lancer la contre-offensive, sur laquelle tant d’espoirs de victoire reposent, qu’elle était reportée à plus tard, même si son armée disposait déjà de tout ce qu’il fallait pour la mener à bien. La raison avancée pour lui est que si elle était lancée dès à présent, elle serait certes couronnée de succès, mais son coût humain serait trop élevé, ce qui ne serait pas une bonne chose. S’il était possible de remporter le même succès avec des pertes nettement moindres, et ce, en acceptant seulement de retarder l’offensive un certain temps, on ne perdrait rien tout en épargnant un grand nombre de vies. Bien entendu Zelensky s’est gardé d’être autrement précis sur le report en question, si bien que celui-ci peut être de quelques jours ou de quelques semaines, à supposer qu’il ne soit pas de quelques mois. Ainsi donc, pendant tout ce temps qu’il plaira à l’Ukraine de se donner en vue de parfaire sa préparation, les Russes sont censés ne rien faire d’autre qu’attendre que l’ennemi marche sur leurs positions dans l’intention de les réduire.
Si par exemple ils voient les Ukrainiens recevoir des armes non encore mises à leur disposition, de nature à leur assurer le moment venu la victoire, ils ne font rien, ils restent sur la défensive, et attendent tranquillement que l’ennemi prenne l’initiative d’attaquer, déjà qu’il a celle de prendre tout son temps avant de le faire. A en croire nombre d’experts écumant les plateaux des télévisions occidentales, il y a une espèce de convention passée entre les Ukrainiens et les Russes, en vertu de laquelle les premiers ont le droit et de se défendre et d’attaquer, et les seconds seulement celui de se défendre. Même une fois la contre-offensive lancée et repoussée, ce partage des rôles restera inchangé. Les Ukrainiens ayant échoué à percer les lignes russes battront en retraite, voilà toute l’affaire. Pour revenir aux propos de Zelensky relatifs au sang ukrainien qu’il entend épargner, ils ne sont anodins et de bon aloi qu’en apparence. En fait, ils comportent une sorte d’avertissement à l’adresse des alliés. Leur signification pourrait bien être la suivante. Vous nous avez envoyé toutes les armes promises, ou quasiment toutes, cela est vrai. Nous vous avons demandé d’autres, mais celles-là vous ne voulez toujours pas nous les donner, de peur que nous nous en servions pour frapper les Russes en Russie même. Puisque c’est comme ça, de nôtre côté nous retardons la contre-offensive, dans laquelle vous n’arrêtez pas de nous pousser. Désormais le sang ukrainien, que nous versons aussi pour vous, sera d’un prix plus élevé. Cette guerre est la vôtre autant que la nôtre. Nous pouvons même dire qu’elle est plus la vôtre que la nôtre. Pourquoi la Russie nous a-t-elle occupés ? Parce que nous nous sommes approchés de vous, parce que nous voulons nous occidentaliser, intégrer votre alliance militaire, devenir membre de l’Otan. Il suffirait de nous rapprocher d’elle pour trouver une solution pacifique à nos différends avec elle. Il nous suffirait d’abandonner ces projets pour trouver un modus vivendi avec elle. Mais dans ce cas, vous, qui n’êtes pas de la région, qui au fond n’avez rien à y faire, serez les grands perdants. L’Otan n’a d’avenir qu’en s’élargissant à l’est. Or pas d’Ukraine, pas d’élargissement. Or qui n’avance pas ne fait pas que reculer, il se décompose aussi.