Jusqu’en novembre dernier, moment du déclenchement des hostilités entre la Russie et l’Ukraine, l’ennemi public numéro un de l’Union européenne était Viktor Orban. Ce dernier, président de la Hongrie, était critiqué sans cesse depuis plusieurs années pas les instances européennes pour ses positions très conservatrices et pour son refus catégorique d’accueillir des réfugiés moyen-orientaux, quitte à devoir pays des amendes salées. Cette semaine, de nouveaux propos ont provoqué l’ire des présidents des principaux groupes politiques du Parlement européen qui ont «fermement condamné les déclarations ouvertement racistes» du Premier ministre hongrois dans son discours du week-end dernier contre «le mélange des races». «Des propos aussi inacceptables, qui constituent clairement une violation de nos valeurs, inscrites dans les traités européens, n’ont pas leur place dans nos sociétés», ont-ils indiqué dans cette déclaration adoptée à «une très large majorité». Le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE) s’est prononcé contre. Les eurodéputés Fidesz, parti du dirigeant nationaliste et ultraconservateur Viktor Orban, sont quant à eux non inscrits, depuis leur divorce du Parti populaire européen (PPE, droite proeuropéenne). «Nous appelons la Commission et le Conseil, représentant les États membres, à condamner de manière urgente ces déclarations dans les termes les plus fermes», ajoutent les présidents des groupes politiques, appelant aussi les gouvernements des États membres à prendre des mesures contre la «normalisation croissante du racisme et de la xénophobie». Dans un virulent discours, le 23 juillet, Viktor Orban a rejeté la vision d’une société «multi-ethnique». «Nous ne voulons pas être une race mixte, qui se mélangerait avec des non-Européens», a déclaré le dirigeant nationaliste, dont la politique contre les migrants a été condamnée plusieurs fois par la justice européenne. Ces propos ont suscité la condamnation de Washington. La Commission européenne s’est quant à elle refusée à tout commentaire. Sans citer Viktor Orban, seul le vice-président de l’exécutif européen, Frans Timmermans, a réagi mercredi sur Twitter, fustigeant le racisme, «une invention politique toxique qui ne devrait pas avoir sa place en Europe». Les présidents de groupes politiques demandent par ailleurs au Conseil de faire avancer la procédure de l’article 7 lancée en 2018 contre la Hongrie pour «risque de violation grave des valeurs européennes», qui peut en principe conduire à terme à une suspension des droits de vote de ce pays, mais qui est en pratique bloquée. La Hongrie de Viktor Orban est dans le collimateur de Bruxelles pour une récente loi anti-LGBT, et depuis plusieurs années pour des manquements en matière d’État de droit (atteintes à l’indépendance judiciaire et au pluralisme des médias, lutte insuffisante contre la corruption…). Ces problèmes liés à la corruption et aux conditions de passation des marchés publics ont notamment conduit Bruxelles à bloquer jusqu’à présent l’approbation du plan de relance post-Covid de Budapest (5,8 milliards d’euros de subventions). Toutefois, la cas Orban reste difficile à traiter du fait de sa popularité dans son pays. Sa population semble en effet partager un grand nombre de ses points de vue et lui a même au jour d’aujourd’hui accordé quatre mandats successifs. La probité des scrutins qu’il a remportés n’ont d’ailleurs jamais pu être contestés par ses opposants, hongrois comme européens, rendant les critiques vis-à-vis de sa politique d’autant plus discutables. Les Hongrois souhaitent visiblement conserver leur souveraineté malgré leur appartenance à la zone euro, et c’est peut-être cela qui insupporte le plus les fonctionnaires de Bruxelles qui aiment à imposer leur vision sociétales et politiques sur tous les pays de l’UE.