Ces derniers mois, la Turquie fait un pas en avant en direction de l’Europe, puis deux pas en arrière. Le pays qui avait il y a encore quelques jours assuré qu’il continuait d’harmoniser ses législations pour pouvoir, dans un avenir proche, intégrer l’Union européenne, vient d’annoncer se retirer du premier instrument contraignant au monde pour prévenir et combattre la violence contre les femmes, selon un décret présidentiel publié vendredi 19 mars qui a aussitôt suscité les critiques du principal parti d’opposition. La Convention d’Istanbul de 2011 oblige les gouvernements à adopter une législation réprimant la violence domestique et les abus similaires, y compris le viol conjugal et la mutilation génitale féminine. Les conservateurs ont affirmé que la charte nuit à l’unité familiale, encourage le divorce et que ses références à l’égalité étaient utilisées par la communauté LGBT pour être mieux acceptée dans la société. La Turquie avait débattu d’un éventuel retrait de cette convention après qu’un responsable du parti au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan eut soulevé la question de l’abandon du traité l’année dernière. Depuis lors, des femmes sont descendues dans les rues d’Istanbul et d’autres villes, appelant le gouvernement à s’en tenir à la convention. Le principal parti d’opposition CHP a critiqué cette décision. Gokce Gokcen, vice-présidente du CHP chargée des droits humains, a tweeté que l’abandon de cette convention signifiait «laisser les femmes être tuées». «Malgré vous et votre malfaisance, nous allons rester en vie et faire ressusciter la convention», a-t-elle écrit sur Twitter. La Constitution et la réglementation intérieure de la Turquie seront la «garantie des droits des femmes», a assuré Zehra Zumrut Selcuk, ministre de la Famille, du Travail et des Services sociaux, selon l’agence de presse officielle Anadolu. «Nous allons poursuivre notre lutte contre la violence avec pour principe zéro tolérance pour la violence», a-t-elle ajouté. La violence domestique et le féminicide restent un problème grave en Turquie. L’année dernière, 300 femmes ont été assassinées, selon le groupe de défense des droits We Will Stop Femicide. La plateforme a appelé à un «combat collectif contre ceux qui ont abandonné la convention d’Istanbul» et à une manifestation de protestation samedi à Kadikoy, dans la partie asiatique d’Istanbul, dans un message sur Twitter. «Renoncez à cette décision, mettez en œuvre la convention», a exhorté dans un tweet la secrétaire générale de l’organisation Fidan Ataselim. Le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul est «une nouvelle dévastatrice et compromet la protection des femmes dans ce pays», a déploré la Conseil de l’Europe, une organisation paneuropéenne dont Ankara est membre et sous les auspices de laquelle le gouvernement turc avait signé ce traité en 2011. Ainsi, malgré les déclarations de plusieurs ministres turcs, Erdogan, loin d’essayer de rapprocher son pays de l’UE, continue au contraire de l’isoler et par la même occasion retire à sa population, aux femmes notamment ici, des droits élémentaires.