Chassés du pouvoir fin 2001 par une coalition internationale menée par les États-Unis, les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan, presque vingt ans plus tard.
Par Louisa Ait Ramdane
L’Afghanistan se retrouve aux mains des talibans, qui ont pris le contrôle de quasiment tout le pays. Le président Ashraf Ghani a quitté le pays au moment où les insurgés ont encerclé la capitale. «Les talibans ont gagné», a-t-il reconnu. Depuis, le mouvement islamiste radical, qui avait déclenché une offensive en mai à la faveur du début du retrait des troupes américaines et étrangères, a pris possession du palais présidentiel et de la capitale Kaboul. L’ex-président, qui se trouve actuellement au Tadjikistan, a dit avoir quitté l’Afghanistan pour éviter un «bain de sang», car d’«innombrables patriotes auraient été tués et la capitale aurait été détruite». Le triomphe des insurgés, qu’ils ont célébré dimanche soir en investissant le palais présidentiel à Kaboul, a déclenché des scènes de panique monstre à l’aéroport de la capitale. Ainsi, l’aéroport de Kaboul a été le théâtre, hier, de scènes stupéfiantes, des milliers d’Afghans cherchant à prendre un vol pour fuir le nouveau régime taliban. Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux, montraient des scènes de chaos absolu, des milliers de personnes courant près d’un avion de transport militaire américain et des jeunes hommes, surtout, s’agrippant aux passerelles ou aux escaliers pour tenter de monter. Les forces américaines ont même tiré en l’air pour essayer de contrôler cette foule. En raison de la situation chaotique à l’aéroport, l’autorité aéroportuaire de la capitale a annoncé que les vols commerciaux en partance étaient annulés. Les rues de la capitale étaient en revanche plutôt calmes, largement patrouillées par des talibans en armes, notamment dans la «Green zone», auparavant ultra-fortifiée qui abrite les ambassades et les organisations internationales. Le drapeau américain a été retiré tôt hier de l’ambassade des Etats-Unis à Kaboul et mis en sécurité avec le personnel de l’ambassade regroupé à l’aéroport dans l’attente d’une évacuation, ont annoncé, depuis Washington, le département d’Etat et le Pentagone.
Dans sa réaction face à la prise de pouvoir par les talibans, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, particulièrement préoccupé par l’avenir des femmes et des filles, dont les droits durement acquis doivent être protégés, a appelé toutes les parties au conflit à la plus grande retenue. Il a ajouté que les Nations unies restaient déterminées à contribuer à un règlement pacifique du conflit.
Pour sa part, l’ambassadeur de Russie à Kaboul, Dmitri Jirnov, compte rencontrer les talibans aujourd’hui, a annoncé l’émissaire du Kremlin pour l’Afghanistan, Zamir Kaboulov, précisant que Moscou allait décider de reconnaître ou non le nouveau pouvoir afghan en fonction de ses agissements. La vitesse à laquelle les talibans ont pris le pouvoir a été «une surprise» pour la Russie, a reconnu M. Kaboulov. «Nous avons surestimé les forces armées de l’Afghanistan», a-t-il ajouté. «Et ils ont tout lâché dès le premier tir». La situation en Afghanistan a été dimanche au centre d’une réunion d’urgence présidée par le Premier ministre britannique, Boris Johnson, qui a estimé que la décision des Etats-Unis de se retirer d’Afghanistan avait «accéléré les choses». «Personne ne veut voir l’Afghanistan devenir un berceau du terrorisme», a-t-il ajouté. Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a, quant à lui, qualifié hier le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan comme un «échec de la communauté internationale» et averti que ce n’était «pas le moment» de reconnaître les talibans comme gouvernement officiel du pays. Ben Wallace avait déjà qualifié auparavant la décision des Etats-Unis de retirer leurs forces militaires d’Afghanistan d’«erreur». Et il est attendu que le Parlement britannique débatte mercredi de la réponse que Londres doit apporter à l’évolution rapide de la situation en Afghanistan.
Selon plusieurs diplomates, des responsables de la Commission européenne ont demandé aux gouvernements des Vingt-Sept d’accorder des visas aux ressortissants afghans ayant travaillé pour la représentation de l’UE dans le pays, ainsi qu’à leurs familles, soit un total estimé à quelque 500 ou 600 personnes.
Les citoyens afghans et étrangers voulant fuir l’Afghanistan «doivent être autorisés à le faire», ont plaidé les Etats-Unis et 65 autres pays dans un communiqué commun, avertissant les talibans qu’ils devaient faire preuve de «responsabilité» en la matière.La chancelière allemande, Angela Merkel, projette de déployer jusqu’à plusieurs centaines de soldats de la Bundeswehr pour évacuer les derniers Allemands ainsi que des Afghans menacés dans le pays, selon des sources parlementaires.
De son côté, l’armée françaia prévu sa première rotation aérienne d’évacuation de Kaboul, entre sa base aux Emirats arabes unis et la capitale afghane, hier soir, a annoncé la ministre française des Armées, Florence Parly.
L. A. R.