En 2002, Jacques Chirac avait obtenu 82 % des voix à la suite du second tour qui l’opposait à Jean-Marie Le Pen. En 2017, Emmanuel Macron avait obtenu 66 % face à Marine Le Pen, et ce dimanche, le président français sortant récolte pour son deuxième duel présidentiel face à la candidate du Rassemblement National un peu plus de 58 % des suffrages. Une victoire certes généreuse, mais qui démontre que d’élection en élection, le «front républicain» s’effrite et que surtout le vote pour le camp national ne fait plus autant débat et s’est au fil du temps normalisé. Sans surprise, le chef de l’État s’est félicité de voir son «projet pour une France plus indépendante (et) une Europe plus forte» être placé en tête, pour «continuer d’assurer les progrès de chacun, libérer la création, innover dans notre pays et faire de la France une grande nation écologique». Le président de la République a relevé que «nombre de nos compatriotes qui l’ont plébiscité ne l’ont pas fait pour soutenir les idées (qu’il) porte mais pour faire barrage à l’extrême droite». «J’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir», a-t-il lancé, se disant «dépositaire de leur sens du devoir, de leur attachement à la République et du respect des différences qui se sont exprimées ces dernières semaines». «Je pense aussi à nos compatriotes qui se sont abstenus», a-t-il ajouté, alors que la participation frôle son plus bas historique, avec moins de 72 %. «Leur silence a signifié un refus de choisir auquel nous nous devons aussi de répondre», a-t-il concédé. Enfin, Emmanuel Macron a exprimé une «pensée» pour les quelque 41,46 % d’électeurs «qui ont voté pour Madame Le Pen», dont il «sait la déception ce soir». «Ne sifflez personne, depuis le début je vous ai demandé de ne jamais siffler», a-t-il exhorté, alors que des huées se faisaient entendre chez les quelque 3 000 sympathisants présents face à lui. «Dès à présent, je ne suis plus le candidat d’un camp, mais le président de toutes et tous», a-t-il souligné, promettant d’apporter «une réponse à la colère et aux désaccords des quelque 13 millions d’électeurs qui ont choisi aujourd’hui l’extrême droite». «Ce sera ma responsabilité et celle de ceux qui m’entourent», a-t-il prévenu, comme pour se projeter vers les législatives. Sans renouveler son souhait d’instaurer la proportionnelle pour rendre l’Assemblée nationale plus représentative, Macron s’est projeté dans une «ère nouvelle qui ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève, mais l’invention collective d’une méthode refondée pour cinq années de mieux au service de notre pays et de notre jeunesse». Une «ambition bienveillante», qui supposera de «veiller chaque jour au respect de chacun», de «continuer à œuvrer pour une société plus juste et plus égalitaire». «Il faudra être fort, mais nul ne sera laissé au bord du chemin», a-t-il conclu, avant de rappeler son amour «si profond et si intense» de la France, qu’il est «si fier de servir à nouveau». Toutefois, si le président réélu a tenté de pas afficher une trop grande arrogance lors de son discours de dimanche soir, ses équipes, elles, n’ont pas manqué d’étaler leur suffisance sur les plateaux de télé durant la soirée électorale, considérant déjà la victoire de leur candidat comme un blanc-seing pour les cinq prochaines années. Mais Macron sans majorité parlementaire ne pourra rien accomplir et il reste à voir aujourd’hui si les Français donneront une fois encore, comme en 2017, les pleins pouvoirs à leur président à l’issue des élections législatives, ou s’ils décideront de lui imposer une cohabitation qui lui nouera les mains dans le dos.