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jeudi 28 mars 2024

Vers la dissolution d’Ennahdha ?

Depuis le 25 Juillet, deux hommes n’ont pas cessé de parler en Tunisie. C’est d’une part le président Kaïs Saïed, et de l’autre Rached Ghannouchi, le président de l’Assemblée, pour l’heure suspendue. Et par là même de se parler, ou plutôt de se défier. D’autres, comme le chef du gouvernement renvoyé, se sont réfugiés dans le silence. S’il leur est arrivé d’en sortir, c’est comme à contrecœur, à la fois pour faire savoir qu’elles n’avaient aucune revendication à formuler, et que contrairement à ce qui se disait, elles n’étaient pas en état d’arrestation. D’autres encore font les morts, comme les dirigeants de Kalb Tounès, qui après avoir qualifié les mesures présidentielles de coup d’Etat, à l’exemple d’Ennahdha, se sont aussitôt désavoués, pour ensuite ne plus se fendre d’un mot, on dirait de crainte qu’il ne soit retenu contre eux. Saïed et Ghannouchi, par contre, se sont répandus dans les médias, se saisissant de toute occasion qui se présentait, scandant par leurs interventions successives le cours même des événements. A l’affirmation du premier excluant tout retour en arrière, à l’avant- 5 juillet, vient de répondre la tribune du second publiée dans le journal britannique «The Independent», dans laquelle son auteur annonce que lui et ses partisans se dresseront contre le retour de la dictature, qu’ils défendront «la démocratie et la révolution».

Jusque-là, a-t-il expliqué, nous avons réussi à éviter le basculement dans la violence, et l’effusion de sang qui en aurait résulté, mais si le président continue de rejeter le dialogue auquel nous ne cessons de l’appeler, s’il maintient ses mesures au-delà d’un mois, nous ne garantissons plus rien. Rendez-vous est de la sorte donné au président tunisien dans un mois, c’est-à-dire dans désormais deux semaines, à compter du 25 juillet. Tout en prenant des précautions de langage, Ghannouchi, en réalité, pose un ultimatum au président Saïed. Si le 25 août au plus tard le gel du Parlement n’était pas levé, dit-il, et qu’un gouvernement n’était pas formé, qui viendrait devant lui demander sa confiance, alors cela voudrait dire que la dictature était rétablie, contre laquelle il faudrait impérativement se dresser. Le monde (libre), ajoute Ghannouchi dans sa tribune, assiste en spectateur à la mise à mort de la jeune démocratie tunisienne, un exemple et un phare dans le monde arabe, elle qui avait déclenché le Printemps arabe. Il lui faut changer de politique, sortir de sa léthargie, se mettre à faire pleuvoir les condamnations à l’encontre du processus en cours, apporter franchement son soutien aux démocrates tunisiens ; dont lui-même est le chef, laisse-t-il clairement entendre. S’il n’avait pas décommandé le rassemblement de ses troupes devant l’ARP, auquel il avait appelé pour le 26 juillet, le sang aurait commencé à couler dès ce moment. Il n’est pas encore trop tard, Saïed peut encore s’éloigner du bord du précipice où il se tient pour le moment, mais il ne dispose plus de beaucoup de temps pour ce faire. Le temps lui est compté. Tel est en substance le dernier message de Ghannouchi à
l’adresse du président Saïed. Il fait justice de l’habit de modération arboré par Ennahdha. Du même coup, il laisse entrevoir la réponse de l’Etat tunisien à son chantage explicite à la guerre civile. On voit mal comment la question de la dissolution d’Ennahdha puisse en effet ne pas être sérieusement envisagée.

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