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samedi 3 juin 2023

Une voie de sortie possible dans la crise des sous-marins

Pris d’un sursaut d’orgueil, les dirigeants français ont rappelé leurs ambassadeurs à Canberra et à Washington – toutefois pas celui de Londres, pour ne pas donner aux Britanniques le sentiment délicieux d’avoir eux aussi étaient pour quelque chose dans l’avanie qui leur a été faite. En fait, c’est bien là le moins qu’ils pouvaient faire en réaction à un comportement d’autant plus inattendu et blessant qu’il est le fait d’alliés à qui auparavant ils auraient donné le bon dieu sans confession, comme on dit en bon français. Il ne faut peut-être pas rejeter d’un revers de main l’idée avancée hier dans cette rubrique qu’il était possible que ce ne soit pas les Américains qui de cette machination étaient les instigateurs, mais les Australiens, qui avaient si bien manœuvré les premiers que ceux-ci n’y avaient vu que du feu. Quand quelqu’un veut s’acheter une bonne machine, et qu’il a en plus le choix entre plusieurs marques très concurrentes, peut-on lui reprocher de s’arranger pour obtenir la meilleure, se trouvant être celle-là même à laquelle pour une raison quelconque il ne doit pas prétendre ? Non, bien sûr. Maintenant que les Français ont commis l’erreur de rappeler leurs deux ambassadeurs, cette possibilité serait pour eux une voie de sortie, peut-être même une planche de salut.

Les Australiens ont la réputation d’être des antinucléaires convaincus. Ils n’autorisaient pas qu’un navire nucléaire mouille seulement dans leurs ports. S’ils doivent s’équiper de sous-marins, ceux-ci ne doivent en aucun cas être à propulsion nucléaire. Or leurs militaires se sont convaincus que ce qu’il fallait pour la défense de leur pays, devant une Chine dont tout le monde s’était mis à leur dire, les Français non moins que les autres, qu’elle était la nouvelle menace globale contre le monde libre, c’est justement des sous-marins carburant au nucléaire. A grand danger maritime, arsenal crédible, arsenal dissuasif. Le plus dissuasif en cette matière comme en d’autres, c’est le nucléaire, ne serait-ce que parce qu’il permet une bien plus grande autonomie dans les abysses. Pour peu qu’on y pense, le plus étonnant, c’eût été que les Australiens s’équipent pour de bon de sous-marins au diesel français, alors qu’ils peuvent aspirer à des produits à la fois nucléaires et américains. Plus on y pense, plus cette éventualité gagne en crédibilité. Or si ce sont les Australiens et non les Américains qui en l’occurrence sont les plus coupables, les Français auraient tort de les charger en premier d’un crime dans la commission duquel eux-mêmes ont été jusqu’à un certain point manipulés. Ils n’auraient pas besoin notamment de rompre les relations diplomatiques avec eux, c’est-à-dire de prendre la seule mesure qui soit en cohérence avec le rappel de leur ambassadeur, comte tenu du fait que les Etats-Unis ne vont pas leur demander des excuses, et encore moins rompre l’alliance militaire qu’ils viennent de passer. Ils ne seraient pas obligés d’agir comme l’Algérie avec le Maroc. Dès lors que l’Algérie avait rappelé son ambassadeur au Maroc, et que Rabat n’avait pas désavoué son ambassadeur à l’ONU, elle n’avait plus le choix, elle devait rompre les relations diplomatiques avec le Maroc. Faute de quoi elle décrédibilisait sa voix, elle perdait la face, elle se faisait un grand tort. La même chose vaut pour la France. La suite logique du rappel d’un ambassadeur, en l’absence d’un mea-culpa de la part du fautif, ou du supposé fautif, c’est la rupture bête et brutale. Une décision que ni la France ni aucun pays au monde ne pourrait prendre envers les Etats-Unis sans avoir à s’en repentir. On ne rompt pas avec la première puissance au monde, quelque mauvais coup qu’elle ait pu vous faire. Le France le voudra encore moins si en plus il s’avère que ce ne sont pas eux mais les Australiens qui en l’espèce ont poussé au crime.

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