Anthony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, vient de rompre avec son style habituel empreint de modération, pour promettre une riposte collective prochaine à l’Iran. Celui-ci est tenu pour responsable d’une seule voix par Israël, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, de l’attaque en mer d’Oman survenue il y a encore peu contre un pétrolier exploité par une société israélienne, laquelle attaque a coûté la vie à deux membres de l’équipage. L’Iran nie de façon catégorique être pour quelque chose dans cette énième attaque dans le contexte actuel de guerre larvé entre lui et Israël, qui se déroule sur ces deux fronts principaux que sont les eaux du Golfe et la Syrie. Parler de guerre, et non pas de terrorisme en l’espèce, implique que l’attaquant et l’attaqué ne sont pas toujours les mêmes, que le premier devient périodiquement le second, et réciproquement. Israël qui dans cette guerre ne s’interdit pas même l’assassinat individuel ne se fait pas moins tout le temps passer pour l’agressé. Pour la première fois, deux de ses alliés les plus proches, non seulement reprennent à leur compte ses accusations, mais se montrent disposés à agir de concert avec lui. Une agression tripartite, israélo-américano-britannique, se prépare donc contre l’Iran, à quoi celui-ci se ferait sûrement un devoir de répondre.
La guerre de basse intensité, intermittente, se transformera-t-elle alors en conflit brûlant et continu, à cela près qu’il n’opposera pas les deux parties déjà aux prises, mais fera place à deux des alliés de l’une d’elle : la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ? La riposte promise par Antony Blinken, mais également par Boris Johnson, et d’ailleurs en des termes comparables, sans même parler des menaces israéliennes, ne s’est pas encore produite que voilà la Russie qui déboule sur la scène, en niant qu’il y ait la moindre preuve que l’attaque en question soit le fait de l’Iran. Depuis longtemps Israël s’emploie à créer les conditions d’une guerre avec ce dernier, qu’il ne serait pas seul à mener, mais avec l’aide de ses alliés. Il se pourrait bien qu’il soit sur le point d’y parvenir. Il a réussi à force de ténacité à faire échec à l’accord de Vienne sur le programme nucléaire iranien, en obtenant le retrait américain du temps de Donald Trump. Un retrait sur lequel son successeur a voulu revenir, mais à des conditions que l’Iran ne semble pas près d’accepter. Les négociations indirectes de Vienne, mais en présence des autres signataires, réduits tous ensemble moins l’Iran à un rôle d’intermédiaire, sont à l’arrêt depuis plusieurs semaines, sans rien qui laisse penser qu’elles vont bientôt reprendre, et encore moins aboutir à terme. Au contraire, autant les déclarations optimistes des participants s’étaient multipliées lors des rounds précédents, faisant croire à chaque fois qu’un accord était à portée de main, autant maintenant l’idée même de leur reprise semble peu évidente. Là-dessus intervient l’attaque contre un pétrolier en mer d’Oman. Et l’insistance des Israéliens, des Britanniques et des Américains, pour une fois exactement sur la même longueur d’onde, sur la culpabilité de l’Iran. A la question à qui profite le crime, on serait porté à répondre en désignant plutôt Israël. C’est lui en effet qui a le plus intérêt à ce que sa guerre larvée contre l’Iran se développe en une guerre déclarée et à laquelle il ne serait qu’une des parties prenantes.