La plupart des maladies rares sont qualifiées de «maladies orphelines», car il n’existe pas de thérapie dédiée et elles sont souvent délaissées par la recherche médicale. En Algérie, des milliers de personnes sont touchées et celles qui en sont atteintes, ainsi que leurs parents, ont peu d’espoir de traitements. Hier, c’était la Journée internationale des maladies rares, l’occasion de rappeler que si l’on parle de la rareté de ces maladies, les patients, eux, sont nombreux. Quelque deux millions d’Algériens atteints de maladies orphelines endurent de nombreuses contraintes, en l’absence notamment d’un «circuit thérapeutique correct», a déploré le président de l’Association Shifa des maladies neuromusculaires, Dr Abdelkader Bouras, qualifiant cette endurance de «véritable parcours du combattant». Intervenant à l’occasion de cette journée, le Dr Bouras a précisé que les «principales difficultés» auxquelles est confrontée cette catégorie de patients brassent de multiples aspects de leur vie quotidienne, à savoir socio-économique, médical et même environnemental. «Certaines pathologies orphelines ne sont pas considérées comme chroniques par les Caisses d’assurance-maladie, en dépit des caractéristiques avérées de leur chronicité», a-t-il avancé en tête de liste des préoccupations des concernés, soulignant, à ce sujet, les coûts «excessifs» des tests génétiques. Essentiellement réalisés dans des laboratoires privés, en l’absence d’une diversité de l’offre en la matière, le président de l’association Shifa a cité l’exemple de ceux prescrits pour les patients atteints de la myopathie de Duchenne, revenant à 350 000 DA sans être remboursés, tandis que les tests de la myopathie des ceintures (dystrophie des muscles) peuvent atteindre les 180 000 DA. «Autant de frais médicaux qui accablent un pouvoir d’achat de plus en plus érodé par le contexte socio-économique particulièrement difficile depuis l’apparition de la pandémie de coronavirus dans notre pays, causant de nombreuses pertes d’emplois», a-t-il renchéri. Détaillant les limites de l’offre thérapeutique en direction de ces types de patients, le président de l’association Shifa a cité notamment «la méconnaissance et l’absence de données chiffrées précises les concernant», l’absence de centres de référence et d’un laboratoire national de diagnostic génétique et moléculaire. Et de rappeler, à ce propos, l’existence d’une seule unité destinée aux maladies rares au CHU Mustapha-Pacha.
L’urgence d’un Plan national pour un meilleur suivi des patients
L’«urgence» d’un Plan national dédié aux maladies rares, à même d’assurer «une meilleure prise en charge des patients souffrant de ces pathologies aux caractéristiques handicapantes», a été soulignée par des spécialistes, relevant les «difficultés» du parcours thérapeutique des personnes atteintes. Le Pr Farid Haddoum, chef de Service néphrologie transplantation au CHU Mustapha-Pacha d’Alger, a déploré «l’absence d’un Plan national dédié à la maladie de Fabry (MF)», qui permettrait, entre autres, d’obtenir des chiffres précis de cette pathologie qui attaque en premier lieu le rein. «Seules des données fragmentaires sont rapportées par des collègues praticiens, à titre personnel et sans aucune certitude sur l’ampleur de la maladie en Algérie», a expliqué l’enseignant à la Faculté de médecine d’Alger qui plaide également pour l’établissement d’un Registre national pour cette pathologie orpheline, notant que «le seul travail scientifique sur la MF mené par le Pr Hind Arzour, estimait à 46 le nombre de familles algériennes identifiées et à 160 celui de patients vivants». Et de soutenir que le nombre «réel est plus élevé» et serait de l’ordre de 1 000 patients, ajoutant que «beaucoup reste à faire pour les diagnostiquer et les traiter», avant de relever la «difficulté de confirmer un diagnostic» qui peut parfois être établi au bout de 5 à 15 années de dialyse chronique.
Meriem Benchaouia