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vendredi 19 avril 2024

Un Parlement pour le dissoudre au bon moment

On ne saurait sous-estimer l’utilité d’une institution aussi universelle qu’un Parlement, qui dans tout système politique sert à des choses bien différentes : à la représentation populaire, par le truchement ou non des partis, le vote des lois, du budget notamment, le contrôle de l’exécutif, le soutien qu’il lui est apporté ou qui lui est retiré. Encore n’est-ce là que ses fonctions les plus ordinaires, les plus communes, celles qui se retrouvent dans tous les régimes politiques, les parlementaires comme les présidentiels, dans les républiques comme dans les monarchies. Il en existe d’autres, tout aussi réglementaires et réglementées, mais différentes des premières en ce qu’il n’y est fait recours que dans les crises, soit pour les désamorcer si elles ne sont pas encore effectives, soit pour y remédier si elles ont déjà éclaté et qu’elles menacent de se développer en quelque chose de pire. Quand rien ne va plus, que le pouvoir est impuissant à trouver les solutions appelées par les circonstances, que la foule gronde dans la rue, c’est précisément à ce moment qu’on est bien content d’avoir un parlement sous la main. Non pas parce qu’il serait capable lui de ramener l’ordre, d’apaiser les craintes et le mécontentement, mais parce qu’un gouvernement peut toujours le dissoudre, en appeler à de nouvelles élections, redonner la parole aux électeurs, démarche démocratique s’il en est.

Si donc un Parlement est très utile dans la gestion quotidienne d’un pays, et quand le calme règne, il peut l’être davantage quand le trouble s’est déjà emparé de la rue et qu’il faille prendre une mesure qui pour extraordinaire qu’elle soit n’en est pas moins régulière, légale, conforme à la Constitution. Cela s’appelle la dissolution. On l’appellera la suspension si la Constitution en vigueur n’accorde pas explicitement ce pouvoir-là. C’est à cette dernière qu’a recouru le président tunisien, il y a maintenant plus de deux mois, et sur la première que s’était rabattu le président irakien, il y a de cela deux ans, dans un contexte de manifestations et d’affrontements meurtriers. La crise dans les deux cas aurait été bien plus grave s’il n’y avait pas eu de Parlements à sacrifier sur l’autel de la paix civile. La dissolution en Irak, tout au moins, a permis d’enrayer une descente aux enfers à peu près certaine, au regard des divisions religieuses, communautaires, de classes, qui traversent ce pays, le plus remuant du monde arabe depuis son invasion par l’armée américaine en 2003. Ce qu’il y a de commun toutefois dans ces deux pays, par-delà leurs différences, qui sont notables, c’est que l’un comme dans l’autre un pseudo régime parlementaire s’est installé qui a fini par excéder les populations, et par les accabler. Le rejet de ce système est sans doute bien plus fort en Irak, mais il est loin d’être négligeable en Tunisie, autrement le soutien populaire dont jouit le président Saïed serait inexplicable. Il prend une forme monstrueuse en Irak, où les partis, ceux qui comptent en tout cas, ont deux faces, deux branches à vrai dire, l’une apparente qui est politique, et l’autre cachée qui est armée. Ils ont de concert mis le pays en coupe réglée. Ils se partagent l’influence et les prébendes. C’est contre ce système de guerre civile larvée permanente que se sont soulevés les Irakiens en octobre 2019. La dissolution et la promesse d’un changement en profondeur sont parvenues à les calmer. Mais pour combien de temps maintenant que les législatives anticipées se sont tenues et qu’elles ont été remportées par les mêmes forces politiques honnies, à une redistribution des cartes près ?

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