Le roi Jugurtha est l’un des personnages qui suscite fierté et respect parmi les nouvelles générations, bien que les détails de son glorieux parcours soient plutôt méconnus.
Par Massi Salami
L’espace d’un livre, ce grand roi numide raconte sa véritable épopée. «Le testament de Jugurtha», de l’auteur Mouanis Bekari, rédigé à la première personne, celle de Jugurtha, a le mérite de donner à l’illustre roi, plusieurs siècles après sa mort, la possibilité de rétablir «beaucoup de vérités», loin du récit romain, opportuniste et orienté. Plus qu’un livre d’histoire, ce livre a le mérite de mieux faire connaître le combat et le projet d’un grand «Aguellid», mais surtout, de permettre d’en tirer sagesse. Jaloux de l’unité de sa Numidie et soucieux de défendre l’honneur de ses ancêtres, ce petit-fils de Massinissa a su tenir tête à Rome, alors qu’elle régnait sur le monde entier. Sur 120 pages, accompagnées de riches notes explicatives, l’auteur a réussi à retracer une période certes tumultueuse mais jalonnée de hauts faits d’une Numidie qui refusait de se courber. Dans «Le testament de Jugurtha», le lecteur va forcément lire jusqu’à la fin. Le livre est captivant malgré sa sobriété et son souci du détail. Il offre, à travers des chapitres bien cousus et logiquement ordonnés, un voyage rapide mais chargé dans une époque où la trahison, la soumission et la violence étaient monnaie courante. Jugurtha, beau, intelligent, fin stratège et guerrier courageux, a réussi à survivre et régner. Il n’a rien à envier aux grands de ce monde que le cinéma mondial a mythifiés à travers des films cultes. Dans ce livre à lire d’une traite, Mouanis Bekari a réussi à illustrer le roi numide, à travers un récit vrai et sincère véhiculant jusqu’à l’âme d’un orateur soucieux de la postérité et de l’avenir de son royaume menacé par la voracité de Rome.
«C’est durant le périple du retour, qui nous a menés en Mauritanie chez le roi Bocchus puis en Numidie, que nous avons juré que nul ne devait plus gouverner nos vies. Parce que les Numides ne doivent être guidés que par les meilleurs d’entre eux comme l’exigent nos traditions et la fidélité que l’on doit aux héros qui ont préservé notre liberté», disait Jugurtha, revenu glorieux de Numance, après avoir prouvé son courage et celui de ses intraitables guerriers lors d’une guerre impitoyable qu’il a livrée aux côtés des Romains. Il a été envoyé dans cette guerre pour ne plus revenir et ainsi l’écarter de la succession.
Fier et résigné malgré l’offre que Rome lui a faite, Jugurtha préféra se taire face à l’offense de son oncle, le roi Micipsa. «Comment postuler le soutien des Numides revêtu de la toge
romaine ? Comment nous affranchir de la tutelle de Rome si nous sollicitions son arbitrage ? Notre serment n’était-il pas de restaurer le pouvoir des Numides ?», tels sont les questionnements profonds de ce digne successeur de Massinissa. Dans ce livre, l’auteur a employé le «Je», laissant ainsi Jugurtha s’exprimer. Un double récit, tantôt relatant l’enchaînement de ses aventures, tantôt décrivant sa mésaventure alors qu’il était emprisonné au Tullianum. Aguellid qui a su manœuvrer et traiter d’égal à égal avec les Romains, a usé de combines et pratiques qui leurs sont propres. Mais sans se départir de sa noblesse d’esprit et son sens de l’honneur. Le livre permet de comprendre les vraies raisons ayant poussé Jugurtha à tuer ses cousins, Adherbal et Hiempsal. Il met aussi la lumière sur les pots-de-vin qu’il a versés à des membres du Sénat romain, achetant ainsi leur silence et leurs faveurs. «Le testament de Jugurtha», est un livre à lire et à relire pour s’imprégner de la grandeur de ce roi, mais surtout du poids des trahisons et de la soumission pour les destinées de sa chère Numidie.
M. S.
«Le testament de Jugurtha» de Mouanis Bekari, 145 pages, 1 200 DA