Eurodéputés et Etats membres de l’UE menaient jeudi soir d’ultimes négociations «très compliquées» pour trouver un accord sur la nouvelle PAC, continuant d’achopper sur les règles destinées à «verdir» l’agriculture européenne sans fragiliser les revenus des exploitants.
Par Salem K.
Après l’échec, en mai, de trois jours d’intenses discussions ayant tourné au dialogue de sourds, les négociateurs du Parlement européen et des Etats ont repris jeudi leurs pourparlers, avec l’espoir de trouver un compromis d’icivendredi.
Les Vingt-Sept avaient approuvé en octobre 2020 la réforme de la Politique agricole commune (PAC), avec un budget de 387 milliards d’euros pour sept ans, dont 270 milliards d’aides directes aux agriculteurs, mais ils doivent s’entendre avec les eurodéputés sur ses modalités. «Depuis mai, nous avons accompli des avancées considérables vers un point d’équilibre», a indiqué, jeudi, la ministre portugaise Maria do Céu Antunes, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE jusqu’à fin juin et qui négocie au nom des Vingt-Sept.
«Nous restons déterminés à trouver un accord politique avant la réunion des ministres européens de l’Agriculture, lundi et mardi au Luxembourg», a-t-elle ajouté.
Mais peu avant minuit, plusieurs sources parlementaires faisaient état de discussions «très compliquées», observant que cela «se passait mal» sur le premier texte (plans stratégiques agricoles des Etats).
Le dossier clé concerne les «écorégimes», outil-phare de la nouvelle PAC : des primes accordées aux agriculteurs adoptant des programmes environnementaux exigeants ou des techniques plus vertueuses, au contenu largement défini par les Etats.
Les eurodéputés réclamaient initialement qu’ils représentent au moins 30 % des paiements directs aux agriculteurs.
Les Etats se sont dits prêts à accepter un seuil de 25 %, mais avec une période de transition de deux ans durant laquelle ils pourraient réallouer à leur guise les fonds non utilisés sur ce pourcentage – ce à quoi les parlementaires sont farouchement opposés, redoutant de voir les écorégimes drastiquement sous-financés.
Parmi les autres points
d’achoppement : le pourcentage de terres non cultivées pour préserver la biodiversité ou encore la rotation des cultures exigée par les parlementaires.
Les eurodéputés réclament «l’alignement» des politiques agricoles nationales sur les objectifs du Pacte vert climatique européen et les cibles environnementales de l’UE (baisse des pesticides, un quart des terres réservées au bio…), ce qui est jugé «impraticable» par les Etats.
Dans les autres textes de la PAC, pas encore abordés jeudi, d’autres problèmes demeurent : mécanismes de redistribution au profit des petits agriculteurs, conditionnement des versements au respect de normes sociales protégeant les travailleurs…
Enfin, les parlementaires veulent durcir les contrôles sur l’importation de produits agricoles, notamment pour bannir les produits présentant des traces de pesticides interdits dans l’UE.
Les Etats s’inquiètent, eux, de contrevenir aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) : «Un point très délicat, miné par les lignes rouges des Vingt-Sept», prévient une source diplomatique.
Malgré «des positions très proches, il reste des problèmes politiquement sensibles et la Commission est prête à proposer des compromis», a affirmé, jeudi, le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski. Son rôle avait été vivement critiqué en mai par les parlementaires, qui lui reprochaient d’être un intermédiaire peu efficace et trop effacé devant le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, en charge du Pacte vert.
«Nous voilà repartis pour potentiellement deux jours et deux nuits intenses», avertissait, jeudi, l’eurodéputé Eric Andrieu (S&D, sociaux-démocrates), l’un des négociateurs.
S. K.