Faut-il vraiment être naïf pour espérer des talibans qu’ils se «modernisent» et qu’ils acceptent de devenir «inclusifs». Pourtant, l’ONU et plusieurs médias occidentaux n’avaient pas hésité à fustiger ceux qui annonçaient le règne de la terreur qu’allaient exercer les talibans dès leur arrivée au pouvoir, fin août 2021 en Afghanistan. D’ailleurs, certains issus de la gauche européenne et américaine n’hésitaient pas à accuser, ceux qui craignaient la prise de contrôle des fondamentalistes afghans, de racisme. Mais aujourd’hui, près de dix-sept mois après la prise de Kaboul, la réalité de l’horreur de ce régime ne peut plus être niée et le réveil est dur pour ceux qui ont cru les promesses des islamistes. Les organisations non gouvernementales ont été «trompées» par les autorités talibanes, qui les empêchent de fournir une aide vitale à des millions d’Afghans en interdisant aux femmes du pays de travailler avec elles, fustige désormais un responsable d’une importante ONG. L’Afghanistan est en proie à l’une des pires crises humanitaires de la planète : plus de la moitié de ses 38 millions d’habitants est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë et trois millions d’enfants sont menacés de malnutrition. Une situation qui devrait s’aggraver après que plusieurs ONG ont décidé de suspendre leurs activités en raison de l’interdiction pour les femmes afghanes de travailler dans ces organisations, prononcée le 24 décembre par le gouvernement taliban. «Les talibans avaient promis par l’intermédiaire de leurs représentants qu’il n’y aurait pas d’interdiction à l’éducation des femmes ou des travailleuses», a rappelé Jan Egeland, secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). En visite à Kaboul, le responsable humanitaire a exhorté le gouvernement à revenir sur cette interdiction et indiqué qu’il refusait de reprendre les activités du NRC en l’absence des femmes. «Je suis ici pour dire aux dirigeants talibans et à tous ceux qui peuvent les influencer que nous devons être en mesure de reprendre le travail avec des travailleuses. Sinon, des vies seront perdues», a-t-il prévenu. «Nous ne pouvons pas travailler sans nos collègues féminines et nous ne travaillerons pas sans elles», a insisté le dirigeant associatif, dont l’ONG emploie quelque 500 Afghanes. En dépit de leurs promesses de se montrer plus souples, les talibans sont revenus à l’interprétation ultra-rigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir (1996-2001) et ont multiplié les mesures liberticides à l’encontre des femmes depuis leur retour au pouvoir en août 2021. Quelques jours avant de viser les ONG, les autorités talibanes avaient pris la décision de fermer les universités aux étudiantes. «Nous ne travaillerons pas uniquement avec des hommes», a prévenu Jan Egeland, répondant aux arguments des talibans qui affirment que l’aide peut toujours parvenir aux foyers par l’intermédiaire des hommes de la famille. Si l’interdiction n’est pas levée, c’est l’ensemble du travail humanitaire qui sera paralysé, prévient le responsable du NRC : «Les donateurs, au final, n’auront pas de travail à financer, et nous ne pourrons pas payer les salaires, donc ce sera la fin de notre travail». Toutefois, si la prise de conscience de ces ONG a pris beaucoup de temps, car les talibans ont commencé à viser les femmes il y a déjà une année en interdisant l’école aux petites filles et aux adolescentes, elle est aujourd’hui bien réelle et met les fondamentalistes au pied du mur. Car la situation humanitaire ne peut que continuer à se dégrader dans un pays où la misère est déjà à son paroxysme. Malgré tout, l’on n’imagine pas voir les talibans céder face aux Occidentaux et admettre qu’après des années de guérilla face aux Américains et officiels afghans, ils auront mené leur pays à la ruine en moins d’un an et demi.