Cela fait plus de dix-huit mois que les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan, et certains médias occidentaux et organismes internationaux, tels que l’ONU, ont montré une indulgence coupable vis à vis des fondamentalistes en septembre 2021, disant espérer que les islamistes fassent preuve d’inclusion et de progressisme. Mais sans surprise les talibans n’ont pas tardé à montrer leurs véritables intentions : enlever toute liberté aux femmes et les priver de travail, d’éducation et même de circuler dans les rues de leur pays. Toutefois, pour l’ONU, c’est l’interdiction faite aux femmes afghanes de travailler pour des ONG qui suscite une levée de bouclier. Car cela va à l’encontre de la charte des Nations unies qui rejette toute ségrégation, a souligné mercredi un haut responsable de l’organisation, prévenant qu’il n’y aurait pas « d’exception ». L’ONU a annoncé mardi que les talibans interdisaient désormais à ses employées afghanes, jusqu’ici épargnées par ce type de mesures appliquées aux ONG, de travailler avec l’organisation dans tout le pays. Un peu plus tôt dans la journée, la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (Manua) avait rapporté que son personnel féminin afghan avait été empêché de travailler dans la province de Nangarhar, dans l’est du pays. « La Manua a entendu parler d’un ordre des autorités de facto qui interdisent aux employées nationales de l’ONU de travailler » et « on nous a dit par différents canaux que l’interdiction s’applique à tout le pays », a déclaré à la presse Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. La cheffe de la Manua, Rosa Otounbaïeva, et le représentant adjoint des Nations unies en Afghanistan, Markus Potzel, ont rencontré mercredi les autorités talibanes à Kaboul, afin de clarifier la situation. Quelque 3900 personnes travaillent pour l’ONU en Afghanistan dont 3300 nationaux, selon les chiffres de l’ONU. Environ 600 femmes font partie de ces employés, dont près de 400 Afghanes. Le 24 décembre 2022, le ministère afghan de l’Économie avait annoncé que les 1260 ONG exerçant dans le pays avaient désormais interdiction de travailler avec des femmes afghanes, en raison de « graves plaintes » quant au non-respect du port du hijab, qui doit couvrir entièrement le corps et le visage. L’ONU n’était toutefois pas concernée. Au lendemain de l’interdiction, plusieurs ONG avaient annoncé qu’elles suspendaient leurs activités, avant de les reprendre mi-janvier avec l’appui de leur personnel féminin dans quelques secteurs bénéficiant d’exemptions comme la santé et la nutrition. « On a pu obtenir certaines exceptions, flexibilités dans certaines provinces, mais on ne sait pas si ça va tenir avec les derniers développements », s’est inquiété mercredi le coordonnateur humanitaire de l’ONU. « De nombreux donateurs et contributeurs » ont déjà cessé de financer le programme d’aide pour l’Afghanistan, a également déploré M. Alakbarov. Jusqu’à présent, l’appel à l’aide de l’ONU pour 2023 n’a été financé qu’à hauteur de « 3 à 4% » du montant escompté, a-t-il souligné. Mais ce qui est le plus étonnant dans cette affaire est que les organisations internationales soient étonnées de la politique talibane vis-à-vis des femmes. Les fondamentalistes afghans n’ont jamais cherché à cacher leur extrême misogynie, leur détestation des femmes transpirant dans chacune de leur prise de décision depuis leur prise de pouvoir en septembre 2021. L’interdiction totale des femmes de travailler, quel que soit l’organisme en question, est dans la suite logique de leur idéologie mortifère qui veut à toute force effacer de la vie publique la moitié de la population afghane.