La centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus importante d’Europe, est entre les mains des Russes depuis mars dernier. Si donc il arrive que ses abords soient bombardés, chose qui tend à se multiplier ces derniers temps, le sens commun voudrait que la responsabilité en incombe aux seuls Ukrainiens, qui sans doute pensent pouvoir ainsi forcer les Russes à la quitter. Or il semble bien que telle ne soit pas l’intention des occupants. Contre toute vraisemblance, les Ukrainiens nient que ce soit eux qui prennent le risque de porter un coup fatal à l’un ou l’autre réacteur de la centrale, qui en compte six, et de provoquer ce faisant une fuite radioactive à même de propager au loin ; dans les pays environnants, dont la Russie, et au-delà, peut-être même dans le monde entier. Les Occidentaux font semblant de ne pas savoir qui des Russes et des Ukrainiens est en l’espèce le responsable, ce qui pour eux est une manière d’incriminer les Russes, bien que ce soit parfaitement absurde. Les Américains sont géographiquement loin tout étant particulièrement actifs dans cette guerre européenne. Si la catastrophe se produit, ils ne sont pas aux premières loges.
Les Européens, si, mais eux n’ont plus voix au chapitre, à supposer qu’ils l’aient eu. La conduite de la guerre, à l’évidence ce n’est pas leur affaire, mais celle des Américains, du Pentagone plus précisément, et subsidiairement des Britanniques, qui s’agitent dans leur ombre. Les Ukrainiens tirent non pas sur la centrale, fort heureusement, mais sur ses abords, ce qui néanmoins exige d’eux une précision aussi grande que si leur intention était de faire mouche. A force d’insistance et de précision, ils ont obtenu l’accord du président russe, signifié tout récemment à son homologue français, pour la venue d’inspecteurs de l’AIEA passant par l’Ukraine, et non pas par la Russie, une condition sine qua non jusque-là. Les inspecteurs vont débarquer, s’assurer qu’il n’y a toujours pas de fuite, confirmant ce que disent les Russes, après quoi ils repartiront. Ce n’est pas à eux de désigner le coupable. Ce serait déjà de leur part faire preuve de beaucoup d’indépendance que de ne pas accuser les occupants, c’est-à-dire les Russes. Les Ukrainiens cherchent à libérer la centrale nucléaire en bombardant ses abords avec une arme américaine de précision, ce qui en soi constitue une double preuve, que ce sont eux les coupables et que les Américains leur ont donné ou leur feu vert ou leur ordre. Après la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, l’autre cible pour les tireurs d’élite ukrainiens sera vraisemblablement le pont de Crimée, le plus long d’Europe, et objet de fierté pour les Russes. Le détruire, ce serait comme couper d’un coup de ciseau la Crimée de la Russie. Les Américains ont déjà fait savoir qu’ils n’y voyaient aucun inconvénient, que les Ukrainiens pouvaient se donner ce plaisir, entendu que la Crimée était ukrainienne, et qu’ils n’interdisaient jusqu’à présent que les attaques à l’intérieur de la Russie dans ses frontières reconnues mondialement. Au dehors, c’est sans restriction, c’est «fair game». Si tout de même il y avait empêchement, il serait d’un autre ordre. Les canons de précision à l’œuvre sur la centrale de Zaporijjia sont censés être de moyenne portée. Pour atteindre le pont de Crimée, il en faudrait de portée deux fois plus longue. Faut-il croire que cet armement est déjà disponible en Ukraine ? Dans ce cas, on ne tarderait pas à le savoir.
M. H.