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jeudi 18 avril 2024

Tergiversations et raspoutitsa

Plus le printemps s’affirme et que la boue ukrainienne, la fameuse raspoutitsa, en se desséchant tend à libérer le mouvement, plus les dirigeants ukrainiens se relaient dans les médias pour dire à qui veut les entendre, encore que ce soit en premier lieu à ceux qui les appuient sans compter, qu’il ne faut pas s’attendre à ce que leurs forces fassent des miracles, et reprennent en un seul élan aux Russes l’ensemble des terres annexées par eux, y compris la Crimée. On admettra que ce n’est pas là le genre de paroles qui conviennent le plus à la veille d’une contre-offensive, où il faut au contraire se montrer le plus confiant possible dans ses chances de vaincre, d’autant qu’il n’existe nul autre moyen de galvaniser des soldats dont beaucoup n’en reviendront pas. Les tenir, c’est comme annoncer l’échec, bien que rien ne soit encore joué. Jusque-là, ces mêmes dirigeants disaient tout autre chose, à l’adresse de leurs alliés, leurs uniques interlocuteurs : donnez-nous les armes dont nous avons besoin, et nous infligerons à la Russie la défaite stratégique que vous appelez tant de vos vœux.

Nous autres voulons libérer nos terres occupées, et vous autres travaillez par notre intermédiaire justement à l’affaiblissement de la Russie, préalable à son démembrement, votre objectif final. Nous vous avons montré lors de notre première contre-offensive, celle de l’année dernière, de quoi nous sommes capables, ayant obligé alors les Russes à battre en retraite à la fois à Kharkiv et à Kherson. Nous pouvons vaincre la Russie. Donnez-nous les armes pour ce faire. Bien qu’il arrive encore aux Ukrainiens de jouer cet air-là, ce n’est pas lui qu’ils serinent le plus ces derniers temps. C’est que leurs alliés occidentaux ont désormais la réplique toute prête à leur opposer. Vous demandiez des armes, nous vous les avons livrées. A vous de jouer maintenant. Foncez sur les lignes russes, enfoncez-les, percez-les, reprenez-leur vos villes, vos campagnes, et mieux encore vos ports, sur la mer Azov dans un premier temps. Ni minutions, ni pièces de rechange ne vous manqueront. Or que faites-vous ? Vous demandez des F-16, dont en réalité vous n’avez pas encore besoin. De sorte que nous ne sommes même pas sûrs que vous atermoyez, non pour obtenir le plus d’armes possibles avant de vous mettre en mouvement, mais juste pour remplir vos arsenaux, et qu’une fois ce but atteint, vous faites savoir aux Chinois que vous êtes prêts à une solution pacifique avec les Russes. Des gens avisés, comme Henry Kissinger, commencent à penser que c’est dans cette direction que vous vous acheminez en réalité, tout en prétendant le contraire. Nous ne vous donnerons plus rien jusqu’à ce que vous ayez lancé la contre-offensive pour laquelle nous vous avons déjà suffisamment armés, pour ne pas dire surarmés. Ainsi se parlent l’air de rien Ukrainiens et occidentaux, alors que la raspoutitsa se durcit chaque jour davantage. Dans une semaine, peut-être deux, elle se sera complètement desséchée, privant les Ukrainiens de tout motif de tergiversation. Il sera alors loisible à tout un chacun de savoir quelles sont leurs véritables intentions : se battre vraiment ou s’en remettre à l’art chinois de la négociation. La placidité dont font preuve les Chinois laisse plutôt penser qu’ils sont sûrs de leur affaire, que c’est à eux qu’il reviendra de trouver une solution à un conflit qui laissé à lui-même ne manquera pas de se développer en une nouvelle guerre mondiale.

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