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vendredi 19 avril 2024

Stagdeflation

Jusqu’à la crise économique de 2007/2008, ce que les autorités financières de tous les pays, développés ou pas d’ailleurs, à l’exception notable de celles du Japon, craignaient le plus, c’était l’inflation. Ou plus exactement la spirale inflationniste, lorsque les prix ne cessant d’augmenter conduisent à la dépression. La seule fois dans leur histoire pourtant où les économies occidentales aient connu une inflation inhabituelle, c’était dans les années 1970, une période où l’inflation avait dépassé les 10 % dans certaines d’entre elles. Pour autant bien sûr qu’on mette de côté l’hyperinflation allemande du début des années 1920, laquelle selon beaucoup expliquerait l’aversion des Allemands pour toute politique monétaire tant soit peu accommodante. Avant de faire l’expérience de l’inflation, ces économies en ont fait celle, et plus d’une fois, de son contraire, de la déflation, une situation dans laquelle le niveau général des prix baisse continuellement, et sans qu’il soit possible d’en redresser le cours. Pour ne parler que de la première d’entre elles, l’économie américaine, bien des fois elle a dû traverser des périodes, relativement longues pour les plus importantes d’entre elles, puisque celles-ci se sont étendues sur plusieurs décennies, sans qu’elle se soit trouvée pour autant en danger d’effondrement. La seule fois dans son histoire où la déflation a failli l’emporter, c’était dans les années 1930-1933, dans le prolongement du krach boursier de 1929. La réalité, c’est que la baisse des prix est le cours normal d’une économie où le progrès technique et la hausse de productivité se traduisent à mesure par une production qui va croissant.

Dans ce cas, il est vrai, la déflation est à la fois faible et étalée dans le temps. Elle se conjugue avec la hausse du pouvoir d’achat des salariés, conséquence de l’appréciation de la monnaie, et une augmentation des profits en termes absolus, même si leur taux tend lui à baisser. C’est de cette observation que vient d’ailleurs la fameuse loi de la baisse tendancielle du taux de profit énoncée par Karl Marx dans le Capital, et que les auteurs libéraux n’ont eu cesse de réfuter, mais sans y parvenir. Une économie capitaliste qui croît à un rythme soutenu avance dans le sens d’une plus grande productivité, ce qui a pour effet de faire baisser le taux du profit mais d’en augmenter le volume. La déflation rampante, la déflation sourde, pour ainsi dire inodore, est le meilleur indice qu’une économie capitaliste se porte bien, qu’elle a un avenir, quelle n’est pas pour le moment dans l’impasse ou à l’arrêt. Dans une économie de ce genre, il n’y aurait même pas besoin d’augmenter les salaires, le pouvoir d’achat s’améliorant parallèlement à l’appréciation de la monnaie. Mais ce n’est pas une déflation au long cours de ce genre qui est à l’œuvre aujourd’hui, mais l’avatar, le sous-produit, d’une crise aussi brutale qu’inattendue, et qui de plus ne date pas d’hier. Celle d’aujourd’hui, vieille maintenant de plus d’une décennie en Occident, et quasiment du double au Japon, et dont les effets commencent à faire leur apparition y compris chez nous, est une mauvaise déflation, car elle s’accompagne de stagnation. Elle n’est pas concomitante d’une marche vers l’avant, mais d’un arrêt, sinon d’une involution. Dans les années 1970, on a inventé le mot-valise stagflation pour décrire une situation où l’inflation et la stagnation allaient de concert, alors qu’elles étaient censées se repousser l’une l’autre. Sur ce modèle, Stagdeflation est un terme qui pourrait bien convenir pour désigner la situation dans laquelle s’attarde depuis maintenant des années l’économie mondiale.

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