Pour la première fois depuis le début de la guerre, une foule de citoyens russes est allée déposer des fleurs sur la place Rouge en hommage aux dizaines de soldats nouvellement mobilisés tués à Makiïvka dans l’oblast de Donetsk du fait d’une attaque ukrainienne aux missiles américains Himars. L’armée russe a confirmé que le centre militaire ciblé a bien été localisé suite à l’emploi par les soldats de leurs téléphones portables, ce qui ne se serait pas produit si toutes les mesures de sécurité avaient été prises. On disait l’autre jour que pour l’essentiel la nouvelle année, comme celle qui désormais appartient au passé, serait dominée non seulement par la guerre en Ukraine et ce qui en découlerait d’une manière directe ou indirecte, mais également par la scène politique américaine, dont les péripéties affecteraient sans doute la guerre, tout en étant elles-mêmes affectées par elle. La guerre dont il est question ici n’est pas n’importe laquelle, ayant déjà tout ce qu’il faut pour déborder les frontières dans lesquelles elle est restée confinée jusqu’à présent. On observerait aujourd’hui le monde que d’un seul œil si l’on ne regardait que dans une seule direction, et pas dans deux.
A peu près en même temps que des Russes se rendaient au cœur de Moscou pour exprimer leur peine de la perte en une seule fois d’un grand nombre de leurs soldats, à Washington la Chambre des représentants, ou plus exactement la nouvelle majorité républicaine, échouait à élire un remplaçant à la démocrate Nancy Pilosi, lequel devait être Kevin McCarthy, au bout de trois tentatives successives, ce qui ne s’est pas vu depuis une éternité aux Etats-Unis. Il faut remonter à un siècle en arrière pour trouver le cas d’un candidat à ce poste qui n’ait pas été élu dès le premier tour, le vote ayant lieu dans un seul camp. Un quatrième tour était prévu hier tard dans la nuit, dont le résultat était incertain. McCarthy étant considéré comme un proche, sinon un fidèle à toute épreuve de Donald Trump, il s’en est trouvé chez les démocrates pour imputer à ce dernier ce premier échec. Cela dit, la tradition américaine en pareil cas veut que le candidat le mieux placé finisse par obtenir gain de cause, moyennant des concessions de sa part à ceux de son camp se défiant pour une raison pour une autre de lui. Les républicains, une fois qu’ils se seront donné un speaker, McCarthy ou un autre, s’attelleront à la tâche consistant à lancer procédure sur procédure contre Joe Biden. Trois sont fin prêtes, l’une pour lui demander des comptes sur le retrait d’Afghanistan, jugé humiliant par beaucoup d’Américains. Une autre a trait à l’engagement des Etats-Unis dans la guerre en Ukraine, un sujet sur lequel il semble qu’un consensus se soit forgé dans le camp républicain, pour exiger un changement de politique à cet égard. Et une troisième qui ne concerne pas directement Biden mais qui toutefois le touche de près, puisqu’il s’agit des frasques de son fils Hunter, son talon d’Achille vers quoi les républicains sont impatients de décocher leurs traits les plus acérés, les plus venimeux. Tant qu’ils étaient minoritaires dans les deux chambres, ceux-ci se retenaient, difficilement sans doute, mais ils parvenaient malgré tout à se modérer en attendant des jours meilleurs pour ouvrir les hostilités, sur ce thème d’ailleurs comme sur d’autres. Les Russes les observeront de près, qui ne prendront les décisions les plus importantes pour la suite de la guerre que sur la base de ce qui se passe sur la scène américaine.