Lula da Silva, l’emblématique président de gauche du Brésil qui a régné sur le pays pendant huit ans, pourrait, après avoir passé un an et demi en prison pour de multiples affaires de corruption, revenir avec la possibilité de se représenter à la présidentielle de 2022. Celui qui fut l’idole de toute la gauche européenne semble d’ailleurs décidé à affronter l’actuel président brésilien d’extrême-droite, Jair Bolsonaro, au prochain scrutin présidentiel. Luiz Inacio Lula da Silva n’a pas attendu longtemps pour partir à l’attaque : mercredi, s’exprimant pour la première fois en public depuis qu’il a recouvré ses droits politiques, il a tiré à boulets rouges sur le président en exercice. Et l’ancien syndicaliste a décidé d’appuyer sur un point sensible : la gestion de la pandémie de coronavirus, qui a fait plus de 273 000 morts au Brésil, fustigeant les «décisions imbéciles» du gouvernement Bolsonaro. Quelques heures plus tard, le chef de l’État a surpris tout le monde en portant un masque lors d’une cérémonie officielle, lui qui avait multiplié les apparitions publiques à visage découvert. Jair Bolsonaro a vanté le «sérieux et la responsabilité» de son gouvernement face à la crise sanitaire, avant de promulguer une loi facilitant l’acquisition de vaccins. Sauf nouveau coup de théâtre judiciaire, l’ex-président de gauche (2003-2010) est éligible pour briguer un troisième mandat, après l’annulation, lundi dernier par un juge de la Cour suprême, de toutes ses condamnations pour corruption. Une vraie renaissance pour ce tribun charismatique de 75 ans, qui avait passé 18 mois en prison d’avril 2018 à novembre 2019 et avait assisté impuissant, depuis sa cellule, à l’élection de Jair Bolsonaro il y a deux ans et demi. Et même s’il n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature, l’ancien tourneur-fraiseur s’est clairement affiché comme le leader de l’opposition. De quoi raviver encore les profondes divisions d’une société brésilienne déjà ultra-polarisée, un terreau propice pour le discours d’extrême droite de Jair Bolsonaro. Loin des cérémonies officielles, dans son direct hebdomadaire sur Facebook, il n’a pas hésité à traiter jeudi Lula de «taulard» ou de «charogne». Mais son changement de discours sur l’importance des vaccins montre qu’il semble disposé à mettre de l’eau dans son vin, pour tenter de ramener vers lui l’électorat centriste. À l’instar de l’ex-président américain Donald Trump, dont il est un fervent admirateur, Jair Bolsonaro, 65 ans, aura un sérieux handicap à surmonter s’il veut se faire réélire : il ne peut plus se présenter comme un outsider, un candidat antisystème. Mais Lula demeure un épouvantail pour ceux qui espèrent une troisième voie, avec un candidat capable de recentrer les débats loin d’un duel des extrêmes. Le quotidien «Estado de Sao Paulo» a ainsi appelé de ses vœux dans un éditorial l’émergence d’un candidat «qui parle aux électeurs qui sont lassés aussi bien de la corruption de Lula que de la folie de Bolsonaro». Mais pour le moment, aucun candidat crédible issu du centre ne semble capable de se mesurer aux deux personnalités imposantes de Lula et Bolsonaro. Reste à voir si les Brésiliens pousseront d’autres candidats à tenter leur chance pour éviter le duel des deux vétérans de la politique, ou si l’affrontement électoral entre les deux hommes sera inévitable.