Depuis toujours, chaque prononcé ou écrit par des membres du Rassemblement National est soigneusement étudié, décortiqué et interprété par la classe politique française. Le moindre mot pouvant être interprété de façon négative est alors utilisé par la droite et la gauche pour critiquer les responsables du RN et les rendre responsables de faits divers que leurs discours auraient provoqués. Pourtant, l’on se soucie bien peu des termes utilisés pour désigner le parti de droite radicale et ses cadres. Jordan Bardella, vice-président du RN, a ainsi demandé cette semaine au Premier ministre, Jean Castex, d’«appeler ses ministres à la retenue dans leurs critiques contre Marine Le Pen», estimant qu’en cas d’agression physique contre elle, ces derniers «en porteraient une part de responsabilité morale». «Plusieurs membres du gouvernement ont dépassé ces derniers jours les limites de l’acceptable dans leurs propos publics à l’encontre de Marine Le Pen et du Rassemblement National», a déploré dans un communiqué Jordan Bardella, tête de liste du RN pour les régionales de juin en Île-de-France. Il a cité le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, qui avait «annoncé être candidat dans le Pas-de-Calais avec l’objectif de chasser le Rassemblement National», et la secrétaire d’État Olivia Grégoire qui a qualifié Marine Le Pen d’«ennemie à abattre». Si ces «appels à la violence» devaient être suivis d’«agressions physiques» à l’égard de la candidate RN à la présidentielle ou d’un élu RN, «ces ministres en porteraient une part de responsabilité morale», affirme-t-il. Le Premier ministre «doit maintenant les appeler à la retenue et garantir aux Français un débat démocratique serein dans la période électorale qui s’ouvre». Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, avait affirmé vendredi sur France Info que «l’ennemi raciste à abattre, l’ennemi de la République, c’est Marine Le Pen». «Je n’aurais pas utilisé le mot ‘’abattre’’, je préfère ‘’combattre’’», a répondu dimanche le chef de file des députés LREM, Christophe Castaner. «Et nous devons le faire (…) en apportant des réponses à nos concitoyens, en les sécurisant», a-t-il insisté, tout en ironisant sur les «leçons de sémantique et de non-agressivité des leaders du Front national». Pourtant, des leçons de sémantiques le RN en reçoit constamment et ceux qui les donnent les estiment légitimes pour interpréter n’importe quelle déclaration émanant du parti de Marine Le Pen. Peut-être que Castaner, ne sachant comment justifier les dépassements récurrents des membres du gouvernement, préfère répondre sur la forme plutôt que sur le fond. Reste à voir si l’appel de Bardela sera entendu ou si le gouvernement continuera à tirer à vue sur le RN qui, par ailleurs, ne cesse de grimper dans les sondages, les Français visiblement n’appréciant pas les excès de langage dont font preuve leurs dirigeants.