Aux États-Unis la crise politique s’accentue alors qu’après onze votes le « speaker » de la Chambre des représentants américains n’a toujours pas pu être élu, créant ainsi une paralysie inédite. Jeudi soir, une vingtaine d’élus Républicains continuaient en effet de refuser de nommer Kevin McCarthy à sa tête. Favori pour remplacer Nancy Pelosi, le conservateur a pourtant tendu la main à la vingtaine de trumpistes qui continuent à s’opposer, leur offrant des concessions de taille. Mais le groupe refusait toujours de rentrer dans le rang à l’issue d’un onzième vote, un scénario inédit en 160 ans. Ce blocage a aujourd’hui des répercussions très concrètes : sans président de la Chambre, les élus ne peuvent pas prêter serment ni donc présenter et voter de projet de loi. « J’ai l’espoir aujourd’hui que les républicains arrêteront les chamailleries, la médisance et les coups dans le dos, afin que nous puissions travailler au service du peuple américain », a appelé le chef Démocrate Hakeem Jeffries. Membres de la frange la plus conservatrice du parti, ces élus se réclamant de Donald Trump ne font fondamentalement pas confiance à Kevin McCarthy et profitent de la très fine majorité Républicaine décrochée aux élections de mi-mandat de novembre pour poser leurs conditions. Le Républicain, qui ne peut pas être élu sans leur soutien, a notamment accédé à une de leurs requêtes visant à faciliter l’éviction du « speaker ». Mais l’opposition à sa candidature semblait se cristalliser. « Nous devons réparer ce système défectueux », a estimé l’élu du Montana Matt Rosendale, exhortant d’autres Républicains à se joindre à leur fronde. L’élection du « speaker », le troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, nécessite une majorité de 218 voix. Kevin McCarthy plafonnait pour le moment à 201. Mais alors, combien de temps sa candidature restera-t-elle viable ? L’élu de Californie ne dispose pas de concurrent crédible. Seul le nom du chef de groupe Steve Scalise circule comme possible alternative, sans que ses chances paraissent sérieuses. Joe Biden a qualifié mercredi cette situation « d’embarrassante », assurant que « le reste du monde » suivait de près la pagaille au Congrès. L’agacement et l’impatience se faisaient aussi sentir dans les rangs du « Grand Old Party », qui soutient très largement la candidature de Kevin McCarthy, donnant lieu à des débats très animés dans l’hémicycle. Les Républicains se trouvent ainsi dans l’incapacité pour le moment d’ouvrir les nombreuses enquêtes qu’ils avaient promises contre Joe Biden. Une situation que les Démocrates observent avec un certain amusement, entre rires narquois et applaudissements à leurs collègues Républicains. Le parti Démocrate fait, lui, bloc autour de la candidature du chef Hakeem Jeffries, mais l’élu ne dispose pas non plus d’assez de voix pour accéder au perchoir. Être face à une Chambre hostile, mais désordonnée, pourrait se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden, s’il confirme son intention de se représenter en 2024, décision encore en suspend pour le moment mais qu’il devrait clarifier d’ici la fin de cette année. Ainsi, ceux qui accusait le mandat de Donald Trump d’avoir été chaotique, lui qui a dû affronter l’imprévisible crise sanitaire du Covid-19, ne peuvent que constater que le mandat de Joe Biden est lui aussi depuis deux ans jalonnés d’incidents. Reste à voir si la crise actuelle au Congres se résoudra rapidement permettant aux élus américains de faire ce pour quoi ils ont été élus.