En France, le premier mandat d’Emmanuel Macron a été secoué de multiples crises, dont celle relative à la réforme des retraites, repoussée par la gauche, les syndicats et une partie de la population qui estimaient qu’elle était trop agressive. Finalement, plutôt que de reculer face à la mobilisation qui ne faiblissait pas, le président français a «profité» de la crise sanitaire liée au virus du Covid-19 pour annoncer un report de la loi. Aujourd’hui, en manque d’une majorité absolue à l’Assemblée Nationale, le chef de l’État veut remettre cette réforme en route alors que déjà l’opposition se prépare à la contrer. Son allié centriste, François Bayrou, estime que si cette réforme est nécessaire, sa mise en place doit se faire de façon concertée et non à coups d’amendements, appelant Emmanuel Macron à faire «un pas décisif vers une méthode de réforme plus respectueuse». L’hypothèse d’une réforme rapide des retraites via un amendement au budget de la Sécurité sociale divise ainsi la majorité. Dans un entretien au journal «Le Parisien», publié il y a une semaine, François Bayrou avait mis en garde contre un «passage en force». Le pPésident Emmanuel Macron réunira la semaine prochaine ministres et responsables de la majorité sur le sujet. «On n’est pas aux pièces ! Prendre trois ou quatre mois pour réfléchir ensemble, et mettre sur la table des options et des propositions, je pense que cela serait bon, pas seulement pour la paix civile, ça compte, mais pour la réforme elle-même», a insisté François Bayrou encore une fois hier, lors d’un discours d’un peu plus d’une heure des universités d’été du MoDem. «C’est un devoir, quand on est gouvernant, de partager les raisons de l’action avec ceux qui vous ont donné la mission de les gouverner». «Parce que derrière tout cela, il n’y a pas que la question des retraites. Il y a la question de la méthode de réforme que l’on peut suivre pour ce pays», a insisté le dirigeant du MoDem. «J’entends des critiques qui disent : ça va traîner, on ne fera plus rien. Je me permets de signaler qu’en refusant cette méthode, on a bloqué les réformes pendant des décennies», a-t-il dit, citant les grandes grèves de 1995, il était alors ministre du gouvernement Juppé, «jusqu’à la dernière sous le gouvernement d’Édouard Philippe», a-t-il dit. Au moment de la crise des «gilets jaunes», «j’avais dit : on ne gouverne pas contre le peuple». «Les gouvernants portent des réformes, elles sont souvent bien inspirées, mais s’ils n’ont pas le soutien du peuple qui les a élus, les réformes sont bloquées et ne passent pas». Car «la société est tellement éruptive qu’il faut se donner pour objectif de la convaincre avant de l’entraîner», a argumenté François Bayrou. «Ce n’est pas une réforme pour les gouvernants, pour les partis politiques de la majorité, pour un avantage idéologique, c’est une réforme pour les Français». «Et ce n’est pas seulement une réforme budgétaire, c’est une réforme de société». «Avec un travail de concertation, je pense qu’on fait un pas décisif dans une méthode plus respectueuse», a insisté François Bayrou. Toutefois, si du côté de l’Élysée l’on envisage sérieusement le passage en force de cette réforme, c’est notamment du fait de l’impopularité extrême de Macron, dont n’importe quelle réforme pourrait être, par principe, rejetée par les dizaines de millions de Français qui honnissent non seulement sa politique, mais sa personne même. Reste à voir si le président français se laissera convaincre par la frange la plus modérée de Renaissance (coalition présidentielle) de ne pas abandonner le dialogue avec l’opposition et les Français, ou si, échaudé par la première tentative de réforme, il se montrera cette fois-ci inflexible en faisant passer sa loi coûte que coûte.