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samedi 20 avril 2024

Réélection

Si pour des millions de Turcs la réélection de Recep Tayyip Erdogan est une victoire, pour des millions d’autres, qui espèrent une alternative politique depuis des décennies, c’est un immense échec. En effet, l’opposition qui avait pour la première fois en vingt ans mis de côté les dissensions et les ambitions personnelles pour présenter un candidat unique, n’a pas su convaincre dans la dernière ligne droite. Pourtant, la tenue même d’un second tour avait donné espoir aux anti-Erdogan, mais celui-ci aura une fois encore eu raison de ses adversaires. Il y a deux semaines, Recep Tayyip Erdogan avait dû attendre 1 heure du matin pour apparaître devant ses partisans. Dimanche, à l’issue du second tour de la présidentielle, il a pu célébrer sa victoire à 20 heures, avant la tombée de la nuit. Une foule de supporters agitait des drapeaux turcs et se massait dans l’enceinte de son palais, sur les hauteurs d’Ankara. «Bye bye Monsieur Kemal», a-t-il lancé. L’écart en faveur du président sortant, après le premier tour de cette élection, s’est avéré impossible à combler pour son adversaire, Kemal Kiliçdaroglu. Les résultats du 14 mai n’ont guère évolué ce dimanche et Recep Tayyip Erdogan maintient une avance d’environ 2,5 millions de voix. Il arrive en tête dans plus de 50 provinces sur 82. Il obtient 52 %, contre près de 48 % à son adversaire. Les votes qui étaient allés en faveur de Sinan Ogan, le candidat ultranationaliste du premier tour, se sont dispersés entre les deux prétendants, sans jouer de rôle décisif. Le principal opposant à Erdogan avait pourtant durci son discours dans l’entre-deux-tours contre les migrants syriens, promettant de les renvoyer dans leur pays dans les deux mois qui suivraient son élection. Mais dans ces deux semaines de campagne de second tour, l’opposition aura eu du mal à faire abstraction de ses divisions et de l’incohérence de son projet. En face, Erdogan a rassuré et s’est montré sûr de lui. Cette élection confirme la totale maîtrise du processus électoral par Erdogan, malgré un contexte défavorable. Ni la profonde crise économique vécue par les foyers turcs ni les effets de la catastrophe sismique de février n’ont empêché le maitre d’Ankara de remporter une nouvelle victoire, tout en préservant l’apparence d’une élection démocratique. Vladimir Poutine, qui a récemment collaboré étroitement avec son homologue turc, a estimé que la victoire d’Erdogan était «le résultat logique de son travail dévoué à la tête du pays et une preuve évidente du soutien de la population à sa politique». Le président russe a notamment évoqué les «efforts» déployés, selon lui, par Erdogan «pour renforcer la souveraineté de l’État et mener une politique étrangère indépendante». Quant à son adversaire dans ce scrutin turc, Kemal Kiliçdaroglu, défait à l’issue de ce second tour, il a lui exprimé sa «tristesse» pour l’avenir de la Turquie. «Je suis profondément triste face aux difficultés qui attendent le pays», a-t-il déclaré depuis le siège de son parti dans la capitale. Car cette victoire d’Erdogan délie une fois encore un peu plus les mains du président turc qui voit sans conteste dans sa réussite de dimanche, un blanc-seing délivré par le peuple. Et c’est en quelque sorte le cas, car le président réélu a désormais les mains libres pour gouverner jusqu’en 2028. «Demain, c’est 2024. Etes-vous prêts à remporter les élections locales à Istanbul ?», a lancé le président à ses troupes. La perte d’Istanbul en 2019 au profit d’un candidat de l’opposition, après 25 ans de gouvernance de l’AKP, avait laissé présager un possible changement à la tête du pays, mais les Turcs en auront décidé autrement. Il ne reste plus qu’à souhaiter que cette décision ne soit pas amèrement regrettée dans les années qui viennent.

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