Si par retrait d’une force militaire stationnée à l’étranger, on entend son retour précipité chez elle, le dernier exemple à cet égard étant le retrait de l’armée américaine et de ses alliés d’Afghanistan, ce n’est pas du tout ainsi que se présente celui auquel la France vient de se résoudre après plusieurs semaines d’un profond désaccord avec les autorités du pays hôte : le Mali. Autant le retrait américain d’Afghanistan avait ressemblé à une débâcle, le temps venant tout à coup à manquer à ses organisateurs, autant celui que la France compte effectuer à partir du Mali est programmé pour être un modèle d’ordre et de fluidité. Entre le moment où il a été annoncé par le président français, chose faite jeudi dernier, et celui où il serait achevé, il devrait s’écouler entre quatre et six mois. Une marge de manœuvre temporelle suffisamment longue pour que l’opération soit répartie en plusieurs phases bien distinctes, et que par conséquent tout risque de cafouillage soit écarté. Quand on n’est pas si pressé de quitter un pays, c’est qu’on n’y est pas tellement dans l’inconfort, malgré certaines preuves d’hostilité à son égard de la part d’une partie de la population. Emmanuel Macron a imputé ces manifestations anti-françaises à des activistes maliens à la solde des Russes. Il y aurait d’une part des centaines de mercenaires appartenant à la société privée russe Wagner, et de l’autre des Maliens payés par les Russes pour demander à la France de s’en aller. Rien de tout cela n’aurait pu en réalité mettre fin à l’Opération à Barkhane si la France n’avait pas elle-même commencé depuis plusieurs mois déjà à la « réarticuler », comme on aime dire à présent. D’ailleurs les troupes françaises, et leurs alliés européens du dispositif Takuba, ne s’en vont pas à proprement parler, ils déménagent. Ou plus exactement, ils se redéployent tout en restant dans les parages, en passant du Mali au Niger voisin, voilà tout le dérangement. Le plus clair de leurs interventions avaient lieu dans une zone particulière, dite des trois frontières, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Il en sera de même lorsqu’ils se seront installés dans leurs nouvelles bases au Niger, où les Français sont déjà présents, ainsi d’ailleurs que les Américains. Aussi rien ne devrait-il changer véritablement dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le retrait du Mali n’est pas un désengagement du Sahel dans son ensemble. Cette réorganisation était à l’œuvre depuis plusieurs mois. De sorte que la question se pose de savoir si le désaccord avec les autorités maliennes a réellement été pour quelque chose dans la décision française de se retirer. On peut se demander si tout compte fait ce n’est pas la « réarticulation » qui est la véritable cause de la détérioration des relations entre les deux bords, le pouvoir malien, « la junte illégitime » comme le désignent les officiels français, se sentant abandonné lorsqu’il en eut pris connaissance. Ce que les militaires français ont fait jusque-là tout en se trouvant au Mali, ils peuvent continuer de l’assumer depuis le Niger. Ils peuvent peut-être d’autant mieux s’en charger que les relations avec l’Algérie sont en train de s’améliorer, ce qui est de nature à rouvrir de nouveau à leurs avions son espace aérien. Dans une guerre pour l’essentiel aérienne, cela a son importance.