Les derniers propos tenus par le Président français, Emmanuel Macron, et rapportés
par le journal «Le Monde», ont suscité la légitime colère des hauts responsables algériens.
Par Louisa Ait Ramdane
La tension monte entre l’Algérie et le France. Suite aux propos tenus jeudi par le Président Emmanuel Macron et rapportés par le journal «Le monde», l’Algérie a décidé, avant-hier, de rappeler «pour consultations» son ambassadeur à Paris, Mohamed Antar Daoud. L’Algérie a justifié ce rappel par son «rejet catégorique de toute ingérence dans ses affaires intérieures». «A la suite des propos non démentis que plusieurs sources françaises ont attribués nommément au président de la République française, l’Algérie exprime son rejet catégorique de l’ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures que constituent lesdits propos», indique la Présidence de la République dans un communiqué, évoquant une «situation particulièrement inadmissible engendrée par ces propos irresponsables».
Macron a évoqué la question de la suspension des visas, expliquant que ce sont «les milieux dirigeants» qui seront ciblés et non les étudiants et les acteurs économiques. «Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs mais du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle. On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak l’a fragilisé», a-t-il déclaré, aggravant le caractère de flagrante ingérence dans les affaires intérieures de l’Algérie. Le Président Macron a dit toutefois avoir un «bon dialogue avec le Président Tebboune».
Macron a évoqué l’épineuse question mémorielle qui empoisonne les relations entre les deux pays, en donnant sa version, osant remettre en cause jusqu’à la notion de nation algérienne. «La nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle, et qui dit : tout le problème, c’est la France». Sur la réduction drastique du nombre de visas accordés aux Algériens, le Président français a été plus précis en affirmant qu’«il n’y aura pas d’impact sur ce qu’on évoque». «On va s’attacher à ce que les étudiants et le monde économique puissent le garder», a-t-il promis. Les propos du Président Macron portent une atteinte intolérable à la mémoire des 5 630 000 valeureux martyrs qui ont sacrifié leurs vies dans leur résistance héroïque à l’invasion coloniale française ainsi que dans la glorieuse révolution de Libération nationale, indique la Présidence de la République, estimant que «les crimes de la France coloniale en Algérie sont innombrables et répondent aux définitions les plus exigeantes du génocide contre l’humanité. Ces crimes qui ne sont pas prescriptibles, ne sauraient faire l’objet d’une manipulation des faits et d’interprétations atténuantes».
Pour la Présidence de la République, «la propension des nostalgiques de l’Algérie française et des milieux qui se résignent difficilement à l’indépendance pleine que les Algériens ont gagnée de haute lutte, s’exprime à travers de vaines tentatives d’occulter les exactions, massacres, enfûmades, destructions de villages, des centaines de ‘’Oradour-Sur-Glane’’, éradications de tribus de résistants, qui sont des génocides en séries que les acrobaties conceptuelles et les raccourcis politiques ne parviendront jamais à occulter».
«Pour leur part, les appréciations superficielles, approximatives et tendancieuses énoncées en ce qui concerne l’édification de l’Etat national algérien ainsi que sur l’affirmation de l’identité nationale relèvent d’une conception hégémonique éculée des relations entre Etats et ne sauraient, en aucune façon, être compatibles avec le ferme attachement de l’Algérie à l’égalité souveraine des Etats», souligne-t-on dans le communiqué. Cette malencontreuse intervention qui heurte fondamentalement les principes devant présider à une éventuelle coopération algéro-française en matière de mémoire, a l’incorrigible défaut de tendre vers la promotion d’une version apologique du colonialisme au détriment de la vision établie par l’histoire de la légitimité de luttes de la libération nationale, alors que rien ni personne ne peut absoudre les puissances coloniales de leurs crimes, y compris les massacres du 17 octobre à Paris dont l’Algérie et sa communauté établie en France s’apprêtent à commémorer dans la dignité, ajoute la même source. «Face à la situation particulièrement inadmissible engendrée par ces propos irresponsables, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a décidé le rappel immédiat en consultations de l’ambassadeur d’Algérie auprès de la République française», conclut le communiqué.
L. A. R.