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jeudi 18 avril 2024

Quand la Fed se trouve en porte-à-faux avec les marchés

Se prêtant une fois de plus, mais à distance cette fois-ci, avec le «Wall Street Journal» au jeu des questions-réponses, Jerome Powell, le président de la Fed, la banque centrale américaine, a cru rassurer les marchés financiers en leur apprenant que rien ne changerait dans la politique d’argent facile appliquée par son institution depuis maintenant des années. Qu’en particulier les taux d’intérêt resteraient fort bas, en fait à peine supérieurs à zéro. Que cette politique monétaire se poursuivrait pour un temps encore déterminé. En tout cas aussi longtemps que le chômage, du fait de la pandémie, resterait très en deçà du niveau qui avait été le sien avant que celle-ci ne frappe, et que l’économie américaine n’aurait pas encore repris suffisamment de forces pour tenir sans aide sur ses jambes. Que pour sa part il a bien remarqué ce frémissement à la hausse des obligations d’Etat, provoqué évidemment par des anticipations d’inflation, mais qu’à son avis cette hausse est injustifiée, quand les prix finiraient par augmenter à plus ou moins brève échéance. En effet, a-t-il expliqué, le taux d’inflation cible, celui des 2 %, non seulement n’est toujours pas atteint, mais il y a des chances pour qu’il ne le soit pas avant longtemps.

Et de conseiller la patience à tout le monde. Même dans le cas où effectivement l’inflation serait bientôt au rendez-vous, ce ne serait que pour une courte durée, les grandes tendances à l’œuvre ne lui permettant pas de s’installer et moins encore de croître. Tel était pour l’essentiel son propos. Il le tenait encore que les places boursières se sont mises à baisser. D’habitude, c’était lorsqu’il laissait seulement entendre que les taux d’intérêt allaient augmenter, serait-ce de très peu, d’ailleurs la règle depuis la crise financière de 2008, qu’il obtenait cet effet, c’est-à-dire que la panique commençait à se saisir des marchés financiers. Cette fois-ci, bizarrement, c’est donc en voulant être rassurant qu’il a fait peur, et que les actions comme les obligations ont baissé. Pas de beaucoup, certes, mais quand même. Comment cela a-t-il été possible ? Serait-ce que le président de la Fed, en principe l’une des personnes les mieux informées quant à l’humeur des marchés financiers, a-t-il pu être à ce point en porte-à-faux par rapport à eux ? Il a déclenché chez eux un début de panique en affichant son optimisme, en leur tenant le langage qu’ils prisaient d’habitude le plus chez lui. En clair, en leur disant qu’il n’y avait aucune hausse des taux d’intérêt en perspective. Il faut savoir que pour le moment l’inflation aux Etats-Unis est de 1,4 %. La Fed fait des pieds et des mains depuis maintenant des années pour la porter à 2 %, sans y parvenir. L’inflation anticipée est quant à elle déjà à 2,4 %. Or c’est par rapport à celle-ci que se déterminent les marchés. Pour eux, une surchauffe s’affirme de plus en plus nettement à mesure que la vaccination s’étend, et que ce faisant elle prépare le terrain à une reprise économique d’autant plus forte que la récession pour cause de pandémie a été profonde. Ainsi du cours du pétrole qui a déjà dépassé les 68 dollars le baril, alors même que l’économie mondiale est loin d’avoir repris. Il repasserait probablement la barre des 100 dollars quand celle-ci battrait son plein. Or il n’y a pas que la reprise qui boosterait la croissance et ferait du même coup augmenter les prix, il y a aussi les épargnes forcées des ménages, amoncelées au cours des périodes de confinement, toujours en vigueur d’ailleurs, qui ne demanderaient qu’à être dépensées. Ces considérations ont amené les marchés financiers à croire que l’inflation était inévitable, et qu’il fallait chercher dès maintenant soit à s’en prémunir, soit à en tirer à profit, ou les deux à la fois. Cette anticipation n’est à l’évidence pas celle de la Fed, pour qui l’inflation n’est toujours pas pour demain.

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