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lundi 27 mars 2023

Proche-Orient: A Ghaza, la bombe à retardement du choc post-traumatique

Les yeux rivés sur un portable affichant la photo de sa sœur et de ses enfants foudroyés par une frappe israélienne, Ola raconte l’indicible : «J’espérais les retrouver vivants sous les ruines», murmure la jeune femme à un psychologue de Ghaza.
La petite trentaine, Ola pose le téléphone, passe ses mains sur ses yeux humides, alors que le psychologue vient s’enquérir de son sort et de celui des familles des plus de 60 enfants et adolescents palestiniens tués dans la «guerre des 11 jours» avec Israël.
Du 10 au 21 mai, l’armée israélienne a pilonné la bande de Ghaza, micro-territoire de plus de deux millions d’habitants en réponse à des salves de roquettes du mouvement islamiste Hamas vers Israël. L’un des bombardements a dévasté le quartier al-Rimal, dans la ville de Ghaza, et pulvérisé l’immeuble d’Abeer, la sœur d’Ola.
Dix heures après la destruction, les secouristes ont extirpé des gravats, comme miraculés, le mari de sa sœur, Riad, et sa fille de huit ans, Suzy. Mais Abeer et les quatre autres enfants du couple n’ont pas survécu.
«Je ne cesse de penser à ma sœur et ses enfants qui sont peut-être restés vivants des heures sous les ruines. Et je suis sous le choc, j’ai peur à présent de perdre mes enfants», confie Ola Ashkantana, qui refuse de prendre des anxiolytiques.
Dans la pièce voisine, Riad tient sur ses genoux Suzy pendant que Hassan al-Khawaja, médecin spécialisé en santé mentale, lui propose d’entamer une psychothérapie.
«Je suffoque. J’ai même pensé à aller vivre à leurs côtés au cimetière», lance Riad, resté muet plusieurs jours après le drame, selon sa famille. «Je ne serai plus jamais le même».

Ola et Riad ne sont pas seuls
La guerre de Ghaza, la quatrième depuis 2008, dans cette langue de terre sous blocus israélien, a mené à la destruction d’un millier d’appartements, de bureaux et de commerces. Mais les rares psychiatres et psychologues de l’enclave, eux, craignent d’avoir à «reconstruire» des centaines de milliers d’âmes après des frappes aériennes d’une rare intensité.
«Nous avons une partie importante de la population qui souffre de PTSD (Syndrome du stress post-traumatique) hérités des guerres passées», souligne le Dr Khawaja. Mais chaque guerre provoque son lot de «rechutes», mais aussi de «réactions aiguës au stress».
Or ce stress intense, s’il n’est pas pris en charge, peut se transformer en PTSD, d’où l’importance d’avoir dès maintenant des équipes spécialisées pour tenter de prévenir une explosion des cas dans les prochains mois.
«Après la guerre, il nous faut aller sur le terrain, mais on ne peut pas simplement évaluer la souffrance des gens et leur dire ensuite ‘’bye bye’’ (…) il faut pouvoir les aider», note ce spécialiste.
A l’hôpital al-Awda, à Jabaliya, dans le nord de la bande de Ghaza, Bilal Daya, 24 ans, a le bras droit cassé, un trou dans un mollet et la jambe gauche enserrée dans des attelles. Et pourtant, ce ne sont pas ses blessures physiques qui inquiètent le personnel médical.
Un soir de mai, Bilal buvait du thé devant la résidence familiale de l’est de la bande de Ghaza lorsqu’un voisin a été blessé dans une frappe.
«Il criait à l’aide, j’ai tenté de le porter, mais il y a eu une autre frappe. J’ai ressenti une sorte de ‘’buzz’’ énorme dans mes oreilles, et autour de moi il y avait des morceaux de corps humains, de la fumée, je n’arrivais pas à tenir sur mes jambes, car j’étais blessé par un éclat d’obus», raconte-t-il.

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