La France a été, depuis la présidence de Charles de Gaulle, un pays ostensiblement proche du monde arabe, qu’elle a défendu à de nombreuse reprises au fil des décennies et avec lequel elle a entretenue des relations très amicales. Mais l’arrivée de Nicolas Sarkozy a bouleversé la politique arabe de Paris qui a rapidement perdu de son influence dans la région, minée par la guerre et les crises économiques. Emmanuel Macron, lui, semble vouloir retisser le lien et vise particulièrement Beyrouth pour tenter de réassoir l’influence française au Moyen-Orient. En visite dans la capitale du pays du Cèdre en août 2020, le président français a estimé qu’il était nécessaire de «changer le leadership» du Liban et de «dégager» les responsables politiques qui bloquent les réformes, dans une interview à trois médias, dont le quotidien libanais «An-Nahar», paru vendredi. «Le problème du Liban, c’est régler les problèmes des gens et dégager ceux qui ne savent pas le faire», a affirmé Emmanuel Macron qui a tenté, en vain depuis septembre 2020, d’amener la classe politique à engager les réformes nécessaires pour sortir le pays de la crise politique et économique. «Ensuite, restructurer le système financier puis faire un plan avec un président honnête, un Premier ministre honnête et une équipe qui va dérouler ce plan et qui aura le soutien de la rue», a poursuivi le président français. «Il faut changer le leadership de ce pays», a martelé Emmanuel Macron. Le Liban est sans président depuis l’expiration du mandat de Michel Aoun, le 31 octobre. Les députés, profondément divisés entre le camp du Hezbollah pro-iranien et celui qui lui est hostile, se sont déjà réunis à dix reprises sans pouvoir élire un nouveau chef de l’État. Le pays, en plein effondrement économique, est dirigé par le gouvernement démissionnaire de Najib Mikati, chargé d’expédier les affaires courantes et dont les prérogatives sont réduites. En réponse à une question sur le commandant en chef de l’armée Joseph Aoun, considéré comme l’un des principaux candidats non déclarés à la présidentielle, Emmanuel Macron a répondu qu’il ne voulait «pas rentrer dans une question de personne : les noms, s’il n’y a pas un plan et une stratégie derrière, ça ne marche pas». «Ce qui m’intéresse, ce sont les Libanaises et les Libanais. Pas ceux qui vivent sur leur dos», a ajouté le président français qui a déploré l’émigration massive des jeunes. Il a dit vouloir «essayer d’aider à l’émergence d’une solution politique alternative», tout en étant «intraitable avec les forces politiques». Il a estimé qu’il fallait «ne rien céder à ceux qui se sont enrichis ces dernières années et qui voudraient rester et qui font du chantage». Emmanuel Macron, qui était la semaine dernière à la conférence régionale sur l’Irak organisée en Jordanie, a indiqué qu’il allait «travailler dans les prochaines semaines sur un format similaire avec le Liban». Il s’est dit «convaincu que les questions libanaise, syrienne et au-delà, ne peuvent être résolues que si on trouve un cadre de discussion incluant l’Iran, compte tenu de son influence dans la région». Une prise de position qui tranche avec le désintérêt actuel de l’Occident vis-à-vis de cette région qui périclite depuis de nombreuses années dans l’indifférence. Toutefois, certains pourraient voir là une ingérence du président français qui cherche désespérément à se construire une pertinence sur le plan international, pour le moment sans succès, surtout après avoir failli à devenir l’homme de la situation dans la crise ukrainienne. Il est peu probable que les propos de Macron soient à même de changer quoi que ce soit au Liban qui n’a pas attendu le chef de l’État français pour essayer de sortir du marasme politique dans lequel il se trouve actuellement.