Le mensonge et ses ravages sur l’individu et la société ont été pointés du doigt dans une tragi-comédie intitulée «Ez’zawèche», présentée mardi au public du Théâtre national algérien.
Par Abla Selles
Présentée dans le cadre du Festival national du théâtre professionnel d’Alger, ce spectacle a été chaleureusement applaudi par le public venu découvrir les pièces de théâtre en compétition officielle.
Cette pièce de théâtre a été mise en scène par Kamel Yaïche sur un texte adapté par sa plume, de l’œuvre «Le Bosendorfer», de l’écrivain et dramaturge hongrois Ferenc Karinthy (1921-1992).
D’une durée de 80 mn, «Ez’Zawèche» raconte le désarroi d’un comédien contraint à la retraite, vivant seul avec ses personnages qui l’habitent encore, et la détresse d’une vieille femme mélancolique et solitaire, se retrouvant sans ressources après la disparition de tous les siens. Refusant son statut d’artiste vivant mal le crépuscule imposé à sa carrière, le comédien, incarné par Brahim Chergui, va tomber sur une annonce faisant état de la mise en vente d’un piano de marque «Besendorfer», signe extérieur d’aisance et de confort, que la vieille femme solitaire, rendue par Rania Serouti, a passée sur les pages d’un journal local. Comme un oiseau de mauvaise augure, le comédien usurpateur décide alors d’appeler la vieille dame au téléphone, simulant le ton de différents personnages fictifs, prétendants à l’achat de l’instrument, en usant de ses talents d’imitateur de voix, aux timbres et aux intonations multiples. Harcelant la pauvre dame usée par le chagrin et la solitude, le comédien va enchaîner mensonges et fausses promesses, faisant vivre à sa victime le plus grand des supplices, dont il rendait fièrement compte chaque fois qu’il l’intensifiait, à un être imaginaire, hiérarchiquement supérieur suggéré par un cache-poussière et un képi accrochés dans le coin de la scène à un portemanteau en bois à plusieurs branches.
Sur une scène séparée horizontalement par un voile transparent, les comédiens ont évolué dans un «avant» et un «arrière» scène, équipés d’un décor minimaliste fait, respectivement, d’un siège en cuir, d’une petite table et d’un portemanteau pour l’espace réservé au personnage imposteur, et pour celui occupé par la vieille dame, d’un piano couvert par un drap blanc et de plusieurs caisses en cartons éparpillées dans des atmosphères sombres et mélancoliques suggérant la détresse et le tourment.
Œuvre de Mokhtar Mouffok, l’éclairage neutre, horizontal ou latéral, parfois vif au milieu de la pénombre, a été des plus concluants, contribuant efficacement au renforcement de la sémantique de chacune des situations alimentant la trame, au même titre que la bande son aux extraits de grandes œuvres, choisis pour agrémenter judicieusement différents états d’âme, à l’instar de «Mister Georgina», un tango interprété par le grand Léo Ferré (1916-1993) ou encore la «Sérénade» de Franz Schubert (1797-1828).
La pièce de théâtre «Ez’Zawèche» (Le moineau) a été produite par le Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA).
A. S.