Dans sa conversation téléphonique d’il y a deux jours avec le Premier ministre en exercice israélien, que les services de communication de la Maison-Blanche avaient pris soin d’annoncer par avance, Joe Biden n’a certes pas demandé l’arrêt immédiat des raids d’Israël dans la nouvelle guerre de ce dernier contre le Hamas. Néanmoins, il a tenu à ce que l’on sache qu’il avait fait savoir à son interlocuteur qu’il se situait dans le camp de ceux qui au Moyen-Orient notamment travaillaient à la mise en place d’un cessez-le-feu entrant en vigueur sans plus attendre. Le secrétaire d’Etat Antony Blinken de son côté a fait savoir qu’il avait demandé aux Israéliens des explications sur la destruction de la tour dite des médias à Ghaza, mais qu’il n’en avait reçu aucune qui soit convaincante. Pour le soutien à Israël, les démocrates aujourd’hui au pouvoir ne le cèdent en rien traditionnellement aux républicains, à supposer qu’ils ne soient pas portés à en faire plus pour mériter le titre convoité du meilleur ami d’Israël. Entre les deux grands partis américains, c’est depuis toujours à qui ferait le plus pour son obtention.
Revenant aux affaires à la suite d’une administration républicaine qui en la matière a repoussé les limites de la complaisance à Israël, il n’aurait pas été étonnant que les démocrates ne se saisissent de la première occasion venue pour rattraper un peu de leur retard à cet égard en comblant Israël de leurs bienfaits. Ce que d’ailleurs l’administration Biden a commencé à faire en mettant à la disposition de l’armée israélienne du matériel de pointe, en matière de visée notamment, dont celle-ci se sert depuis le début dans ses attaques. Le profil vieille école de Joe Biden l’inclinerait plutôt à la surenchère dans ce domaine. S’il fait pourtant plus dans la mesure que dans l’excès, c’est parce qu’un changement est intervenu dans les sentiments des démocrates, ou du moins d’une partie d’entre eux, vis-à-vis de la question israélo-palestinienne, qui contrarie ses penchants personnels. En fait, si à la montée de l’extrême droite américaine sous Trump n’avait pas correspondu une radicalisation de la gauche américaine, on aurait vu selon toute vraisemblance l’administration Biden s’aligner sans état d’âme sur Israël dans les circonstances actuelles. Elle aurait entre autres fait plus qu’affirmer le droit d’Israël de se défendre. Or du sein même de sa base sociale des voix s’élèvent pour exiger non pas seulement l’arrêt immédiat des hostilités, mais pour dire que celles-ci n’auraient pas éclaté sans les agressions incessantes d’Israël, sans sa politique raciste d’apartheid. La gauche américaine impute en effet sans ambages la nouvelle flambée de violence aux menaces d’expulsion de Sheikh Jarrah dans Jérusalem-Est enclenchées par l’extrême droite israélienne. Bien entendu dans les rangs de cette base démocrate tous n’ont pas pris la défense des Palestiniens, les inconditionnels d’Israël se sont manifestés eux aussi, mais ce ne sont plus eux qui y font l’opinion, mais l’aile gauche, celle des Bernie Sanders, des Alexandria Ocasio-Cortez, des Ayanna Pressley, Ilhana Omar et Rashida Tlaib, pour ne parler que de ses figures les plus marquantes. Face à une extrême droite qui s’est imposée dans le camp des conservateurs, une gauche radicale, du moins selon les critères américains, s’est affirmée à l’extrême opposé de l’échiquier politique. Le président américain, qui lui doit en partie son élection, ne peut pas se permettre d’ignorer ses sentiments pro-palestiniens. C’est précisément dans son apparition que réside la différence la plus importante de cette guerre d’avec la précédente, celle de 2014.