On se demandait l’autre jour, non sans inquiétude d’ailleurs, si les parlementaires libyens réunis en nombre suffisant à Syrte, allaient effectivement accorder la confiance au gouvernement de transition de Abdelhamid Dbeibah ou la lui refuser au bout du compte, laissant de la sorte passer une chance de sortie de crise qui pourrait bien ne pas se renouveler de sitôt. Les observateurs ayant suivi les débats transmis par la télévision libyenne, débats plus que houleux, chaotiques, de cette réunion de ce qui depuis 2014 tient lieu faute de mieux d’Assemblée législative libyenne, avaient pu douter de cette issue favorable, de sorte qu’ils se sont félicités davantage quand finalement c’est elle qui a prévalu. Pari tenu donc tenu non seulement pour Dbeibah mais pour tout le processus engagé sous les auspices de l’ONU depuis maintenant plus d’une année. Pour autant, on ne doit pas croire que c’est l’obstacle le plus dur qui vient d’être franchi sur le chemin devant déboucher sur la réunification de la Libye dès la fin de cette année, avec en particulier la tenue des élections générales le 24 décembre. Cette première réussite elle-même n’a pas été aussi complète qu’on pourrait le croire, sur la foi notamment des félicitations ayant fusé de partout pour la saluer.
Le gouvernement Dbeibah reconnu par la communauté internationale avant même que d’être formé l’est par elle encore bien plus aujourd’hui qu’il vient de recevoir la confiance des parlementaires présents à Syrte. Car ils ne l’étaient pas tous. Sur les 200 que compte la Chambre des représentants, 132 étaient présents. Et sur ces derniers, 121 ont voté la confiance au gouvernement de transition. On ne connait pas la provenance des députés présents à Syrte. Ce qu’il y a à craindre, c’est que les absents soient partisans du camp de Tripoli, ce qui le cas échéant serait de mauvais augure. Jusqu’à présent, on a l’impression que c’est surtout le camp de Tobrouk qui se range derrière le nouveau gouvernement d’union nationale. Bientôt celui-ci prêtera serment, mais ce sera à Benghazi, où s’est installé le Parlement depuis avril 2019, venant comme on le sait de Tobrouk. Le danger n’est donc pas encore écarté que le nouveau gouvernement ne soit pas reconnu par celui qui est en place à Tripoli, et que dirige toujours Fayaz el-Serraj. Si cette reconnaissance lui est refusée, alors cela voudrait dire que ce gouvernement est un troisième gouvernement venant s’ajouter aux deux déjà existants. Certes, il a un avantage sur eux, celui d’être reconnu par la communauté internationale, et à un double titre, à la fois pour être né sous les auspices de l’ONU et pour avoir obtenu dans un deuxième temps la confiance du Parlement libyen. Pour autant, rien ne dit encore que cet avantage est décisif. Le gouvernement d’union nationale l’ayant précédé avait bénéficié lui aussi de la reconnaissance de la communauté internationale. Cela n’avait pas empêché l’apparition d’un gouvernement rival à Tobrouk. Cela n’avait pas non plus obligé le Parlement à lui accorder la confiance. Or il y a un deuxième obstacle placé en travers du chemin du gouvernement Dbeibah, non moins sinon plus difficile que le premier : les 20 000 mercenaires et troupes étrangères se trouvant en Libye et qu’il est primordial de faire partir. Et pour cause, aucune réunification n’est possible, ni même d’ailleurs concevable, si ces forces restent dans le pays. En particulier, les élections prévues pour la fin de l’année ne pourront se tenir en leur présence. Dbeibah ne s’y trompe pas dont la première déclaration après l’obtention de la confiance a été de les sommer de nouveau à quitter la Libye.