Tout récemment encore la Russie a publié deux brouillons d’accord, l’un à l’adresse des Etats-Unis, et l’autre de l’Otan, dans lesquels elle détaille ses demandes en matière de sécurité. Leur satisfaction désamorcerait non seulement les crises en cours, avec l’Ukraine et la Géorgie par exemple, mais également celles susceptibles d’éclater à l’avenir. Le style adopté par elle en l’occurrence est sans précédent. C’est la première fois qu’une puissance commence par amasser des forces à l’une de ses frontières, faisant de la sorte craindre une invasion, et dans un deuxième temps seulement énonce les conditions dans lesquelles elle n’en ferait rien. La Russie en est venue à ce genre de négociations impérieuses après avoir reculé devant l’Otan sur bien des fronts depuis la dissolution de l’Union soviétique et l’effondrement du pacte de Varsovie, il y a maintenant des décennies. Force lui est maintenant de regagner en un seul effort le terrain perdu, autrement la menace représentée par l’Otan, qui a eu tout le temps de prendre position tout autour d’elle, risquerait de devenir irrépressible.
La Russie n’a plus d’espace où reculer, vient de déclarer Vladimir Poutine, voulant dire par là qu’ayant déjà le dos au mur, son pays n’a plus d’autre choix que de passer à l’offensive. Si cela n’est pas encore une déclaration de guerre, le fait est qu’il suffit de pas grand-chose, d’un refus de négociation par exemple, pour que ça le devienne. La Russie envahira dans ses conditions l’Ukraine pour se garantir contre des tirs de missiles pouvant atteindre Moscou en quelques minutes. Elle en fera de même avec la Géorgie si c’est de son côté que cette même menace se profile. Les Etats-Unis le savent si bien qu’ils ont déjà fait savoir qu’ils seront prêts à négocier avec la Russie dès le mois de janvier. Les propositions de Moscou sont de deux sortes. Les unes portent sur ce que l’Otan ne doit pas faire à l’avenir, et qui rentraient dans ses plans d’expansion à l’intérieur de l’ancienne Union soviétique, et les autres sur ce qu’elle a déjà fait et qu’elle doit défaire. Autant il lui est facile de renoncer à l’intégration en son sein de l’Ukraine et de la Géorgie, autant il lui serait très difficile de démanteler des installations nucléaires déjà en place, et de retirer des troupes déjà déployées dans des pays ayant été par le passé membres du pacte de Varsovie, comme la Pologne et la Hongrie, pour ne parler que de ces deux-là. Quand on parle d’Otan, il faut toujours entendre Etats-Unis exclusivement. La Russie a rendu publics deux documents, mais elle n’a proposé de négociations qu’aux Etats-Unis, dont elle sait que l’avis est plus que prépondérant parmi ses alliés regroupés dans l’Otan. Les Etats-Unis ont beau dire qu’ils ne négocieraient rien sans l’aval de leurs alliés, au bout du compte c’est ce qu’ils feraient, et que d’ailleurs ils s’apprêtent à faire. On ne sait trop quelle forme prendront les négociations, et encore moins sur quoi elles déboucheront, mais ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que d’elles vont dépendre la guerre et la paix dans le monde. La Russie ne se laissera pas démembrer avant d’avoir vendu chèrement sa peau. En effet, pour les Occidentaux telle est la prochaine étape après la chute de l’Union soviétique. De là la question de savoir si la Russie peut éviter le sort qu’ils comptent lui faire sans avoir pour cela à revenir à son état d’avant. L’encerclement qui la vise n’est pas à l’œuvre uniquement à sa périphérie, mais également en son sein. L’Occident ne l’encercle que pour pouvoir l’envahir à moindre frais le moment venu, que pour hâter son implosion.