Les Américains retirent ce qu’il leur reste de troupes en Afghanistan sans même essayer de cacher le plaisir que cette perspective leur procure. Le fait que l’opération puisse se terminer quelques jours plus tôt que prévu a semblé une raison suffisante pour leur président d’y aller d’une déclaration en ce sens, certain du bon effet que cela aura sur le moral des militaires comme des civils. Entre la date initialement retenue pour l’annonce de la fin officielle de la guerre en Afghanistan, le 11 septembre prochain, coïncidant avec le vingtième anniversaire des attaques terroristes de 2001 sur le sol américain, et celle qui vient de prévaloir, le 31 août, il n’y a pourtant pas même deux semaines de distance. Voilà qui en dit long sur la hâte des Américains à tourner la page, à passer à autre chose. La satisfaction de faire plus vite a été ressentie jusque dans les rangs des républicains, une fois n’est pas coutume. Joe Biden a eu droit aux félicitations de Donald Trump pour sa courageuse décision. Laissons la date du 11 septembre, a dit celui-ci, au souvenir, à la prière, et à l’hommage à rendre à ceux de nos compatriotes perdus ce jour il y a maintenant vingt ans. Le contentement général n’est d’ailleurs pas la seule marque du moment. Le retrait en question se veut à nul autre pareil. Sortir du guêpier afghan, l’engagement le plus long de l’armée américaine à l’étranger, ce n’est pas seulement terminer une guerre, en attendant la prochaine.
Non, se disent les Américains, cela veut dire ne plus jamais entrer dans une guerre sans fin comme celle dont ils viennent par bonheur de s’extirper. La seule façon de gagner ce genre de guerres, c’est de s’en désengluer à moindre frais à la première opportunité qui se présente. On ne les remporte que si par chance une porte s’ouvre devant soi, par laquelle on peut se glisser hors de leur cercle infernal avec le moins de dégâts possible. Rapidity is safety, a dit Biden en annonçant cette économie de 11 jours faite sur l’absurde. On ne nous y reprendra plus. Désormais, nous serons les premiers à fuir un pays où une guerre civile est dans l’air, menaçant de se refermer sur nous. Nous ne nous mêlerons plus de ce qui ne nous regarde pas. Finies les croisades au loin, dont on ne revient que des années plus tard. Et encore, quand on peut, quand la route du retrait n’est pas délibérément coupée. On ne veut pas de la liberté que nous voulons apporter au monde ? Qu’à cela ne tienne, nous la gardons pour nous et pour nos alliés, qui en connaissons le prix et les bienfaits. Désormais, tout ce que nous attendons des Afghans, c’est qu’ils nous laissent partir comme convenu, sans nous tirer dans le dos. Sans rien faire qui nous obligerait à rester, ou plus grave encore, à renforcer notre présence. Si le président américain pouvait faire rentrer les boys plus vite encore, c’est-à-dire avant le 31 août, on l’imagine assez bien réapparaître à la télévision pour en faire l’annonce. Hélas, un retrait n’est jamais total, absolu, sans retour. En vérité on ne quitte pas à volonté un champ de bataille une fois qu’on a commis d’y mettre les pieds. On y conserve obligatoirement des intérêts, une ambassade pour les défendre, qui à son tour a besoin d’être défendue. Pour ce faire, il faut maintenir sur place des centaines de soldats. Qui à leur tour pourront être la cible d’attaques, sinon des Talibans du moins des djihadistes. Force sera de veiller à leur sécurité, à eux aussi. On voudrait en finir une bonne fois pour toutes avec une guerre qu’on ne le pourrait pas. Nulle part en ce bas monde où l’homme de bonne volonté peut déposer son fardeau, avant de s’en retourner chez lui pour jouir de la paix avec le monde entier.