Le président français a entamé sa deuxième visite d’Etat aux Etats-Unis avec l’intention affirmée, ou plutôt réaffirmée la chose n’étant pas nouvelle chez lui, de dire aux Américains tout le mal qu’il pensait de certaines de leurs nouvelles orientations économiques, porteuses à ses yeux d’un danger mortel pour les économies européennes. Son but évident était d’amener ses interlocuteurs à les modifier en tenant compte des intérêts de leurs alliés, maintenant que tous ensemble ils sont engagés dans la même guerre décisive, par Ukraine interposée, contre la Russie. Il faut reconnaître que sa première intervention publique, faite devant la communauté française en Amérique à l’ambassade de France, a été on ne peut plus explicite sur ce thème. Si les Américains, a-t-il prêché devant un public acquis, gardaient le cap fixé par la loi dite de réduction de l’inflation, où il est question à peu près de tout sauf d’inflation, dont le véritable objectif est de protéger leurs industries liées à la lutte contre le changement climatique de toute concurrence, qu’elle soit chinoise ou européenne, c’était à terme la mort économique de l’Europe, sa fragmentation, son éclatement. Mais ce n’était déjà plus le même message dans sa deuxième intervention, ayant eu lieu pour sa part devant des sénateurs et des représentants à la bibliothèque du Congrès, et qui elle s’est bornée à mettre en avant la bonne entente des deux pays dans nombre de domaines stratégiques, en premier lieu bien sûr la lutte contre le changement climatique. Mais lors de la troisième, tenue après les traditionnelles discussions dans le Bureau Ovale, sous forme de conférence de presse conjointe, non seulement il n’en a plus été plus question, mais Emmanuel Macron a donné à ce moment l’impression de ne pas être tout à fait le même homme que celui qui avait parlé à des compatriotes dans l’enceinte de l’ambassade française. Pas un mot dans sa déclaration préliminaire qui renvoie aux dispositions protectrices, c’est-à-dire antieuropéennes de l’IRA (Inflation Reduction Act), sinon pour dire qu’il avait écouté les arguments du président Biden et qu’ils l’avaient convaincu. Qu’il savait maintenant qu’il n’entrait pas dans les intentions des Etats-Unis de saboter l’économie européenne en protégeant leurs entreprises contre toute concurrence d’où qu’elle vienne. Ce sentiment de quelqu’un de touché par la grâce va se confirmer lorsqu’un journaliste français s’adressant au président américain l’interroge assez abruptement sur les « preuves d’amour » qu’il a dû donner à son homologue français pour que celui-ci se montre maintenant aussi comblé. Ce n’est pas de Biden que la réponse est venue, mais de Macron qui recadre le poseur de la question l’air de rien, lui expliquant que ce n’est pas au président américain de se soucier des économies européennes, que cette tâche incombait aux dirigeants européens eux-mêmes, et que du reste ces derniers n’ont pas attendu l’heure présente pour prendre leurs responsabilités en la matière. Il aurait pu ajouter : nous ne l’avons pas crié par-dessus les toits, mais nous aussi Européens avons notre IRA, qui est déjà à l’œuvre, et qui est assez en harmonie avec la loi américaine. Des propos qui convenaient au président américain. On ne peut en dire autant de celles qui vont suivre et qui elles concernent les efforts passés de Macron déployés dans le cadre des accords de Minsk. On le sait car alors Biden cesse d’écouter en enlevant carrément son oreillette, lui qui n’entend pas le français.
Mohamed Habili