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jeudi 28 mars 2024

Pandémie : la révolte silencieuse du travailleur américain

Encore récemment, l’idée dominait que puisque la crise économique actuelle n’avait pas une cause économique, qu’elle découlait d’une crise sanitaire, la pandémie de Covid-19, l’économie mondiale se rétablirait nécessairement parallèlement au reflux de la maladie, sous l’effet en particulier d’une vaccination montant en puissance partout dans le monde, même de façon inégale. Par rétablissement, ou par sortie de crise, on entendait le retour de la production des biens et services et des échanges commerciaux au niveau qui était le leur au moment où la pandémie se déclarait, au début de 2020. Après cela, que les affaires progressent bien au-delà, ou au contraire régressent en deçà, dans un cas comme dans l’autre, cela ne dépendrait plus de la pandémie, mais de cause(s) purement économiques ; le cas échéant d’une crise nouvelle sans lien aucun avec la précédente. Dans cette optique, la crise sanitaire n’était qu’une parenthèse qui en se refermant permettrait en premier lieu à l’économie mondiale et aux économies nationales de retrouver leur niveau d’activité d’avant. Ensuite, chacune, bien que dans un contexte mondial le même pour toutes, évoluerait à son rythme, selon son propre dynamisme.

De fait, alors même que la vaccination n’a encore parcouru, là où elle est le plus avancée, qu’un peu plus de la moitié du chemin, la reprise est déjà au rendez-vous, plus ou moins forte selon les cas, y compris là où la vaccination n’a encore touché qu’une faible proportion de la population. Le fait que l’économie mondiale est sortie de la récession de 2020, alors que la pandémie n’a pas encore disparu, et qu’il n’est pas exclu qu’elle connaisse un ou mêmes plusieurs regains, semble être la meilleure preuve que la pandémie ne laissera derrière elle aucun effet durable. Il existe au moins un pays où cette idée commence à être sérieusement mise en doute. Ce sont les Etats-Unis, dont pourtant l’économie connait la reprise la plus forte. C’est qu’il s’y passe quelque chose que personne n’a prévu, mais dont le lien avec la pandémie n’est pas contestable. Rien que pour que le mois d’août, plus de 4 millions de travailleurs ont quitté de leur propre chef leur emploi. Dans un pays où déjà une dizaine de millions d’offres d’emploi ne trouvent pas preneurs, cela a de quoi inquiéter. Les chroniqueurs économiques les plus en vue en sont réduits à se demander si par hasard le travailleur américain ne s’était pas révolté, s’il n’était pas entré dans une grève générale qui ne dit pas son nom, et si même il finirait par en sortir, sous l’aiguillon de la nécessité. Le phénomène, sans précédent, n’épargne quasiment aucun secteur, mais il est plus marqué dans les services, la restauration et l’hôtellerie en particulier. Les explications qui en sont proposées sont unanimes pour désigner le coupable : la pandémie, qui par les arrêts d’activité dus aux confinements obligatoires, et les salaires versés par l’Etat dans le but de préserver les emplois, a permis à des millions d’Américains assujettis à des travaux pénibles et abrutissants, en fait à l’esclavage salarial dans sa nudité et sa vérité, de voir s’il n’y avait pas moyen de changer de job, de s’en trouver un qui soit à la fois moins éreintant, plus valorisant et plus rémunérateur. Or plus ils sont nombreux à s’accorder ce temps de réflexion et de recherche, plus les offreurs de ces emplois désertés augmentent les salaires pour leur trouver preneurs. Toute la question est de savoir combien tiendra cette révolte massive, sans bruit ni fureur. La conséquence en sera différente en effet selon qu’elle va durer ou non. Mais d’elle du moins on ne peut nier qu’elle soit un effet direct de la pandémie.

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