Maintenant on comprend un peu mieux pourquoi le président Joe Biden n’avait pas craint d’y aller d’une adresse solennelle aux Américains pour leur annoncer que le retrait complet d’Afghanistan ne se ferait pas comme prévu préalablement le 11 septembre prochain mais deux semaines plus tôt, le 31 août. Deux semaines de moins à passer dans ce pays périlleux pour les boys astreints à rester jusqu’au bout pour couvrir le départ de leurs camarades, cela lui avait semblé une si bonne nouvelle qu’il n’avait pu la garder pour lui seul, qu’il s’était senti obligé au contraire de la partager avec tous ses compatriotes. Seulement la longue marche en cercle allant se rétrécissant, tel un nœud coulant, des Talibans autour de Kaboul s’est tellement accélérée depuis, que c’est cette borne terminale de 31 août qui maintenant semble trop éloignée, ou trop lâche. Au rythme où les Talibans prennent capitale de province sur capitale de province, il n’est pas exclu que la capitale afghane soit reprise par eux avant que toutes les troupes américaines ne l’aient quittée. Il faut donc resserrer le calendrier du retrait, mais sans que cela paraisse une fuite éperdue, une débâcle comparable à celle survenue lors de la libération de Saïgon en 1975 par l’Armée populaire vietnamienne.
Un traumatisme collectif que les républicains se sont fait un malin plaisir de rappeler à l’administration Biden, alors même que c’est la leur qui avait opté pour le retrait précipité. De là l’envoi de 3 mille soldats pour sécuriser le rembarquement de ceux encore sur place, de même que le staff de l’ambassade et les «interprètes» afghans, qu’il faut sauver d’une mort certaine. Plus question de laisser des centaines de soldats pour assurer la défense de l’ambassade, celle des alliés, et de l’aéroport. Idem pour les Britanniques. Idem aussi pour les alliés de l’Otan. Même la Turquie ne s’offre plus à prendre la relève pour défendre l’aéroport international de Kaboul. Quand les Talibans entreront dans Kaboul, celle-ci devra
s’être déjà vidée des ressortissants des Etats ayant pris part au renversement de leur régime au lendemain des attaques sur le sol américain du 11 Septembre 2001. Leur revanche et leur triomphe seront éclatants s’ils coïncident avec ce jour. Comme malgré tout ils n’ont pas cessé de parler aux Américains, qu’ils rencontrent à Doha, il semble qu’ils aient insisté auprès de ces derniers pour que leur dernier soldat soit parti avant cette date. De là peut-être la pointe d’accélération de ces derniers jours, destinée à faire partir plus vite les Américains et leurs alliés. Or même quand il s’agit de retirer ses troupes d’Afghanistan, il faut encore y envoyer d’autres, et même beaucoup d’autres, pour permettre aux premières de s’en détacher avec le moins de danger possible. Ce qui a été négocié avec les Talibans, ce n’est pas la paix en Afghanistan, mais un pacte de non-agression. Ce pacte serait rompu si les Américains se mettaient seulement à ralentir l’offensive talibane. En particulier, ceux-ci ne doivent plus mener des opérations aériennes. En somme, ils se sont engagés à ne plus se mêler de rien en Afghanistan. Autrement les Talibans seraient en droit de laisser s’y planifier des attaques contre eux, de même inspiration par exemple que celles du 11 Septembre.
M. H.