Pour l’heure, et à plus de sept mois du début de la guerre en Ukraine, quand on regarde vers le passé, mais à un mois seulement des élections américaines de mi-mandat quand on regarde devant soi, force est de constater que l’attention du monde reste dans une large mesure concentrée sur la guerre et ses conséquences immédiates. Il ne peut en être autrement, au vu des derniers développements, qui montrent que loin de s’apaiser elle ne fait au contraire que s’étendre et s’envenimer. Le sabotage de Nord Stream, selon toute apparence l’œuvre d’une main experte, puis les annexions russes de territoires ukrainiens occupés, font déjà passer au second plan les succès de la contre-offensive de l’armée ukrainienne, un peu comme si la guerre se renouvelait, et qu’il faille tout réapprécier à cette nouvelle lumière. Au nord-est comme au sud, il semble que les forces ukrainiennes continuent d’enfoncer les lignes russes. Elles le font toutefois de façon plus lente, comme si elles-mêmes n’étaient pas sans s’apercevoir que la guerre une fois de plus était en train de se reconfigurer, et que les critères mêmes de l’avancée et du recul, du succès et du revers, s’en trouvaient bouleversés.
L’idée a été soulevée quelquefois que depuis un certain temps, ce qui intéresse au premier chef les Russes, ce n’est plus de s’emparer de terres ou de positions nouvelles, dont ils ne sauraient d’ailleurs que faire, mais de détruire les capacités militaires de l’ennemi. Pour eux, le succès se mesure désormais au nombre de soldats ukrainiens mis hors de combat, et à la quantité de matériel détruite par la même occasion. Or il semble bien que les Ukrainiens aient beaucoup perdu des deux dans le courant de leur contre-offensive. C’est ce qui expliquerait que celle-ci se soit ralentie. On parle de milliers de soldats sacrifiés rien qu’au cours du mois de septembre. Les Russes concentrent le feu de leurs canons sur les positions qu’ils quittent, de gré ou de force, dès qu’ils savent qu’elles sont investies par les Ukrainiens. Si bien que ceux-ci ne nomment plus les places qu’ils reprennent, ou que les Russes leur ont laissées. Dans le contexte d’une guerre qui va à la fois s’exacerbant et se renouvelant, peu d’événements se produisant ailleurs dans le monde sont à même de lui faire de l’ombre. C’est en fait l’inverse qui se produit. Un événement majeur comme la présidentielle au Brésil aurait eu un bien plus grand retentissement n’était cette guerre. Déjà ce qui fait l’intérêt d’un événement, où qu’il se produise dans le monde, c’est sa relation à elle. Les élections de mi-mandat de début novembre sont certes d’une importance capitale pour le public américain, indépendamment d’elle. Elles se tiendront bientôt dans une Amérique plus polarisée que jamais. Elles sont décisives aussi bien pour les deux ans qui restent de l’administration Biden que pour la présidentielle à venir, celle de 2024. Si elles sont remportées par les républicains, c’en est fini de la présidence Biden ; mais il y a alors plus significatif, elles annonceront la candidature de Donald Trump pour 2024, et dans ce cas sa réélection probable, le scénario cauchemar pour les démocrates. Si c’est au contraire par les démocrates qu’elles le sont, c’est évidemment pour Trump que le glas sonnera. Dans tous les cas de figure, la guerre hantera les esprits même à supposer que les questions de politique interne continuent de prédominer. Une victoire républicaine peut arrêter la descente aux enfers, tandis qu’une victoire démocrate est de nature à en accélérer le rythme, même si rien n’est assuré, dans la première hypothèse comme dans la seconde.