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jeudi 18 avril 2024

Nucléaire: L’Iran a commencé à produire de l’uranium enrichi à 60 %

L’Iran a annoncé, vendredi, avoir commencé à produire de l’uranium enrichi à 60 %, dans une nouvelle entorse à ses engagements pris devant la communauté internationale, inquiète de ses ambitions nucléaires.

Par Mourad M.

«Maintenant, nous obtenons 9 grammes par heure d’uranium enrichi à 60 % en isotope 235 (plus radioactif que l’uranium naturel) à Natanz, dans le centre du pays», a déclaré le président de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), Ali-Akbar Saléhi.
Si ce rythme était maintenu constant et ininterrompu, il faudrait à l’Iran 322 jours pour produire les quelque 70 kg d’uranium à 60 % qui, à l’issue d’un nouveau cycle d’enrichissement (dont la durée dépendrait de la puissance des machines utilisées), lui permettraient d’obtenir la masse critique de 25 kg d’U-235 à 90 %, nécessaire à la fabrication d’une (et une seule) bombe nucléaire, selon les critères de non-prolifération de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Mais il faudrait pour cela que le pays dispose d’une quantité suffisante d’uranium enrichi à
20 %. Or, selon le dernier rapport public de l’AIEA sur le sujet, son stock d’uranium à 20 % était, à la mi-février, de 17,6 kg.
Après une explosion dimanche dans son usine de Natanz, qu’elle a imputée à son ennemi juré Israël, la République islamique a annoncé mardi qu’elle allait enrichir ce minerai à hauteur de 60 % à des fins «médicales», seuil inédit pour le pays bien au-delà des 20 % qu’elle pratique depuis janvier et du seuil maximal de 3,67 % autorisé par l’accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015.
L’annonce du lancement effectif de la production d’uranium à 60 % en U235 survient alors que des discussions ont lieu à Vienne, sous l’égide de l’Union européenne, dans le but de sauver ce pacte, sabordé par la décision des États-Unis de s’en retirer unilatéralement en 2018, sous la présidence de Donald Trump.
Le président américain, Joe Biden, pour qui la politique de «pression maximale» contre l’Iran menée par son prédécesseur est un échec monumental, dit vouloir réintégrer l’accord, mais à des conditions jugées inacceptables par Téhéran.
Qualifiée de véritable «provocation» par plusieurs analystes, l’annonce de la hausse du seuil d’enrichissement est le dernier et le plus sensationnel des reniements des engagements pris par la République islamique à Vienne.
D’autres analystes estiment, à l’image de Henry Rome, du cabinet de conseil Eurasia Group, que l’Iran cherche par cette décision à obtenir «un avantage dans la négociation, pas la bombe».
En riposte au retrait des États-Unis de l’accord, et au rétablissement de sanctions américaines contre l’Iran, la République islamique s’est progressivement affranchie à partir de 2019 de la plupart de ses engagements clés.
Une nouvelle session des discussions de Vienne, qui visent à faire revenir Washington dans l’accord et à annuler les sanctions américaines, a eu lieu jeudi.Elle a laissé «une impression générale positive», a indiqué l’ambassadeur russe auprès de l’AIEA, Mikhaïl Oulianov, selon lequel «le travail» doit se poursuivre vendredi.
«Le processus (de discussions) se poursuit», a déclaré vendredi Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell. «La décision de l’Iran est très inquiétante», a ajouté M. Stano.
Selon un haut responsable de l’Union européenne s’exprimant sous couvert d’anonymat, l’explosion de Natanz et la décision iranienne d’enrichir à 60 % «compliquent un peu la négociation mais lui donnent aussi (…) plus d’importance» et nous sommes «plus proches (d’un accord) que la semaine dernière».
Décideur ultime, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a approuvé les négociations de Vienne mais a prévenu mercredi qu’il n’autoriserait pas qu’elle traînent «en longueur».
Mercredi, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, pays européens parties (avec la Russie, la Chine et l’Iran) à l’accord de Vienne, avaient «pris note avec une grande préoccupation» de l’annonce iranienne sur l’enrichissement.

Le président iranien Hassan Rohani a jugé ces «inquiétudes» sans fondement
«Aujourd’hui même, nous pouvons enrichir à 90 % si nous le voulons, a-t-il dit jeudi, mais nous l’avons déclaré dès le premier jour et nous tenons parole : nos activités nucléaires sont pacifiques, nous ne cherchons pas à obtenir la bombe atomique».
A Vienne, le ministre des Affaires étrangères adjoint, Abbas Araghchi, a réaffirmé que l’uranium enrichi à 60 % servirait à «remplir les besoins médicaux du pays», les autorités ayant précédemment évoqué la production de «produits pharmaceutiques» de meilleure qualité.
M. M.

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