Inauguré en août 1984 par feu le président Chadli Bendjedid, le musée d’Ifri Ouzellaguene est assurément le monument qui perpétue au mieux, dans la wilaya de Béjaïa, la Mémoire de l’Algérie combattante, celle inhérente tant à la guerre d’indépendance qu’aux autres faits d’armes en rapport avec la résistance nationale, depuis l’arrivée de l’occupant en 1830 jusqu’à sa mise à mort en 1962.
Par Abla Selles
Tout y est pensé, organisé et valorisé de sorte à ce qu’aucune étape n’en soit négligée. Les visiteurs y découvrent, dans un enchaînement pédagogique, le courage et les prouesses militaires des aïeux, à l’instar d’El-Mokrani et cheikh Elhaddad, artisans de la révolte de 1871 que celles des héros de la guerre d’indépendance dont le patriotisme et le «génie» ont permis la victoire.
En effet, tous les acteurs de cet épopée y sont mis en lumière, avec des portraits et des documents retraçant leurs vie et leurs parcours, et, parfois, au détour d’une exposition, on retrouve même leurs affaires (pistolets surtout) ou objets intimes, à l’instar du costume d’apparat du colonel Amirouche, intact et sentant la naphtaline.
Au cœur même du site qui a abrité le congrès de la Soummam en août 1956, l’édifice rend compte, non sans émotion, des méfaits du colonialisme francais, des périodes sordides et violentes infligées au peuple, mais résume, en même temps, la lutte et les sacrifices pour s’en extraire et «les destins exceptionnels et foisonnants qui ont forgé la victoire», opinera le directeur du musée, Hakim Mahdjat.
Il a expliqué, à ce titre, que «le choix du lieu n’est pas fortuit», puisque, à lui seul, il raconte toute «la puissance» du congrès, organisé au nez et à la barbe de l’armée coloniale, dont les troupes étaient stationnées à peine à une heure de marche du lieu de la réunion.
«Un défi et un pied de nez à l’occupant», ajoutera-t-il, évoquant les massacres perpétrés quelques semaines plus tard dans les quatorze villages d’Ouzellaguene et qui en ont payé le prix en signe de vengeance.
Il a encore souligné que «la Mémoire est aussi vive que pétillante, imposant d’entretenir le musée et de la rendre accessible à un large public, et ce, par le truchement d’actions d’éducation et de diffusion». Venu de Seddouk et bien qu’habitué au rituel des visites aux lieux, Da Tayeb, 87 ans et ancien membre de l’Organisation civile du Front de libération nationale (OCFLN), en est toujours ému. «Rappeler ce qui s’était passé tient du devoir de Mémoire», confie-t-il.
«Tout le monde le proclame, mais il est important de ne jamais oublier», opinera-t-il, immergeant soudain dans ses propres souvenirs. «C’était juste effroyable. Des centaines de milliers d’Algériens en ont payé le tribut. J’en suis très ému».
Lui emboitant le pas, Da Nacer, ancien militant de la Fédération de France du FLN, soutient son acolyte : «Chaque objet, chaque document, chaque pierre de ce musée est une invitation à immerger dans la guerre et ses horreurs. Mais tout rappelle aussi les heures héroïques du combat pour la victoire. L’important, c’est de transmettre les valeurs du combat et l’idéal de liberté qu’il portait».
Le lieu attire aussi les plus jeunes, à l’image d’un groupe d’étudiants de l’université de Sétif rencontré sur place. L’un d’eux, Lamri, a exprimé une grande émotion en déclarant : «C’est presque un lieu saint. C’est impressionnant et c’est très poignant».
A. S.