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vendredi 29 mars 2024

Mozambique: Deux mois après Palma, ils fuient encore l’attaque

Sur la plage, des réfugiés somnolent sous un abri de fortune. Parmi eux, Julia, 21 ans, dont le sourire nerveux cache mal la détresse, et sa petite née il y a quatre jours sur le bateau qui lui a permis de fuir, enfin.

Par Mourad M.

Deux mois après l’attaque de groupes armés jihadistes contre Palma, dans l’extrême nord du Mozambique, des centaines de personnes au regard perdu affluent toujours dans différents coins de la province meurtrie du Cabo Delgado.
Samedi encore, un navire de pêche branlant, chargé de 49 âmes, a accosté dans sa capitale Pemba. Car la menace jihadiste est partout, diffuse, inquiétante.
Un homme débarque, ses affaires nouées dans un drap de coton délicatement posé sur sa tête, deux jerricans en plastique à la main. Les femmes, châles colorés encadrant leurs visages, portent des enfants, un thermos, quelques bricoles.
Des policiers contrôlent les nouveaux arrivants. Ils passent au crible les bagages, pour vérifier qu’ils ne sont pas armés – la hantise que des jihadistes se cachent parmi eux – avant de les relâcher.
C’est sur un bateau en bois similaire, pris dans les eaux agitées de l’océan Indien, que Julia Francisco a accouché, avec l’aide de quelques compagnons d’infortune.
Après trois jours sur la plage, elle est menée, comme les autres, vers un stade couvert à une dizaine de kilomètres, qui sert de camp de transit.
Elle était enceinte de sept mois quand les Shababs, comme on appelle ici les jihadistes qui terrifient la région depuis fin 2017, ont lancé leur attaque surprise contre Palma le 24 mars. Alors que tous se croyaient en sécurité, à seulement dix kilomètres du complexe gazier archi-protégé, piloté par le groupe français Total.
Dès les premiers coups de feu, «tout le monde s’est mis à courir», raconte-t-elle à l’AFP en swahili, une des langues parlées dans cette zone proche de la Tanzanie. «J’ai su que si je ne courais pas moi aussi, ils m’attraperaient».
Marcher, courir, se cacher dans la forêt. Avec son père, sa belle-mère, son fils de quatre ans. Puis des semaines sur la presqu’île du site gazier, parmi des milliers en attente d’être sauvés. Embarquer sur un bateau coûte entre 40 et 65 euros, une petite fortune ici.
Ceux qui débarquent à Pemba ces jours-ci racontent qu’il reste «beaucoup» de gens à secourir là-bas. Pas loin de 20 000, selon des ONG.
Jean déchiré, T-shirt et veste noire, Sumail Mussa, 50 ans, peste sur la plage. Portable en main, il voudrait appeler des proches pour voir s’il peuvent l’héberger, lui, sa femme et leur enfant. Mais il n’a plus de crédit. «La vie était terrible là-bas, alors on est partis», souffle-t-il laconique. Pas disponible pour parler là.
Dans le stade, aux fenêtres et paniers de basket recouverts de moustiquaires, près de 300 personnes cohabitent. Julia marche doucement, pas remise de son accouchement. Elle va chercher de l’eau, tente péniblement une lessive sur la pelouse autour du complexe sportif.
«J’ai mal. Je souffre surtout parce que je n’ai aucune famille pour m’aider», souffle-t-elle d’une voix timide.
Père et belle-mère ont été hospitalisés dès leur arrivée. Son mari travaille à Maputo, à des milliers de km mais au chaud. Et elle n’a aucune idée d’où se trouve sa mère, ses sœurs, son frère. «Je ne sais pas s’ils sont vivants», murmure-t-elle, jetant un regard furtif vers son portable.
Depuis fin mars, près de 57 000 personnes ont fui la zone de Palma, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). En tout, les violences depuis plus de trois ans ont tué 2 800 personnes et provoqué la fuite de 700 000 civils.
 M. M.

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