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vendredi 19 avril 2024

Moqtada Sadr se retire de la politique

Moqtada Al-Sadr s’est-il retiré de la politique pour cesser d’être vu par ses rivaux chiites comme le principal facteur de division et d’instabilité, leur laissant ainsi toute latitude de faire de l’Irak ce qu’ils pensent être le meilleur pour lui, ou l’a-t-il fait au contraire pour ajouter au chaos qui règne à Baghdad depuis plusieurs semaines, et dans lequel il est tout de même pour quelque chose ? On ne connaît en tout cas pas d’exemple de leader politique qui abandonne le combat alors que ses troupes, à son appel, sont dans la rue engagées dans une action ne visant à rien moins qu’à changer le système politique existant. En cherchant bien, on peut sans doute trouver des généraux ayant fait faux bond à leurs troupes, mais pas dans l’histoire politique, dans l’histoire militaire. Le plus connu pour ce genre de désertion, c’est Napoléon, qui par deux fois a laissé son armée se débrouiller sans lui dans une guerre ayant mal tourné, la première fois lors de la campagne d’Egypte, la seconde dans celle de Russie. Ce qui, soit dit en passant, ne l’a pas empêché de rester l’idole de ses soldats. Mais de dirigeant politique qui annonce sa retraite au beau milieu d’une bataille décisive, on n’en connaissait point avant que Moqtada al-Sadr n’apporte la preuve que le personnage est concevable.

Maintenant, on peut toujours se demander si son retrait de la politique n’est pas encore de la politique. S’il ne vise pas à montrer que le désordre est bien plus grand lorsqu’il est là que lorsqu’il est absent. En effet, quand il était là, ses troupes ne faisaient qu’occuper les abords des bâtiments officiels. Elles s’étaient même retirées du Parlement, qu’elles avaient envahi dans un premier temps, sur un ordre qu’il leur avait donné. Mais dès l’instant où elles ont su qu’elles n’avaient plus de chef, et qu’elles pouvaient donc faire ce que bon leur semblait, elles se sont ruées sur le bâtiment du gouvernement, le saint des saints, pour y prendre des libertés. Des affrontements se sont produits dans la Zone verte, entre on ne sait qui et qui, qui se sont soldés par des morts et des blessés. Le chaos régnant à Baghdad s’est aussitôt reproduit ailleurs dans le pays, faisant planer la menace d’une insurrection généralisée. Preuve est ainsi faite qu’il vaut mieux avoir un Sadr bien présent sur la scène politique qu’un Sadr qui en serait absent. Son mouvement politique, c’est le Courant. Celui de ses adversaires chiites, c’est le Cadre. Le Courant est anti-iranien, et donc pro-arabe, alors que le Cadre, c’est tout l’inverse. Courant et Cadre ne pourraient s’entendre que si l’Iran et l’Arabie saoudite se réconciliaient. La libanisation de l’Irak est maintenant achevée. Au départ, la division était entre sunnites et chiites. Maintenant elle est entre chiites et chiites. Entre anti et pro-Iran, le long d’une ligne de fracture non plus nationale mais régionale. L’Irak est devenu un pays ingouvernable, de même que la Libye depuis 2011. La tâche première de cette classe politique consiste à empêcher la guerre civile. C’est désormais à cette aune qu’il faut la juger. Il ne faut rien lui demander de plus. En Libye, Dbeibah qui semble avoir repris les choses en main à Tripoli, en appelle avec une conviction en apparence renouvelée à des élections, seule planche de salut, dans le même temps qu’il ordonne l’arrestation de Bashagha et de quelques-uns de ses amis. Depuis 2003, il y a déjà eu quatre élections en Irak, les dernières remontant à moins d’une année. Ont-elles réglé quelque chose ? Ont-elles rendu l’Irak gouvernable. Non. A l’évidence, les élections ne suffissent pas à elles seules à rendre sa stabilité un pays qui l’a perdue. Il faut encore soit le consensus, la solution idéale, probablement irréalisable, soit l’hégémonie d’une faction sur ses concurrentes.

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