Kamala Harris n’aura été présidente des Etats-Unis par intérim (Joe Biden ayant eu, il y a deux jours, à subir un examen médical de «routine» mais néanmoins sous anesthésie générale, au cours duquel il était par conséquent dans l’incapacité physique d’assurer ses fonctions) que pendant 1h 25 minutes très exactement. Les services de la Maison-Blanche se sont fait un devoir d’être en l’occurrence le plus précis possible. Un peu comme s’il s’était agi pour eux de prendre la mesure d’une expérience de laboratoire où l’exactitude du résultat est ce qu’il y a de plus important. Un laps de temps en tout cas bien plus court que ce à quoi tout le monde s’attendait à l’annonce de la passation des pouvoirs par le président en exercice. Il n’en reste pas moins que le moment est historique. Doublement historique même, puisque d’une part pour la première fois une femme a été présidente des Etats-Unis, et que de l’autre cette femme était une femme de couleur. Même si à peine a-t-on appris que cette chose extraordinaire s’était produite que l’information est tombée disant que Joe Biden n’étant plus sous anesthésie, Kamala Harris avait cessé d’être présidente. Jamais mandat n’aura été aussi bref, et probablement jamais il n’y en aura à ce point.
A se demander si les médecins de Biden n’ont pas sensiblement abrégé l’examen, en faisant l’impasse sur l’anesthésie par exemple. Autrement, on voit mal comment ils auraient pu faire aussi vite. On a vu leur patient descendre les marches de l’hôpital en pressant le pas, faisant à la foule hors champ de ses admirateurs des signes énergiques et espiègles. Il ne dévalait pas l’escalier quatre à quatre, sans doute, mais on le sentait tenté de le faire. Il n’avait en tout cas pas l’allure de quelqu’un qui venait de sortir d’une léthargie profonde, mais celle de qui voudrait s’attaquer à l’idée qu’il avait des problèmes de santé. A l’instant même où il avait choisi Kamala Harris comme son éventuelle vice-présidente, quelqu’un de nettement plus jeune que lui, on s’était mis à voir en elle sa remplaçante, dans l’idée qu’étant donné son âge plus que respectable, le risque était grand pour lui qu’il n’aille pas jusqu’au bout de son mandat, dans le cas bien sûr où il était élu. Et une fois qu’il l’a été, le sentiment continuait à dominer, au vu de la raideur de son pas notamment, qu’il serait forcé de rendre le tablier avant la fin de son mandat. Personne ne pariait sur un deuxième mandat Biden. Qu’il termine le premier, ce serait déjà beaucoup pour lui, un exploit même à porter à son actif. Lui serait le président d’un seul mandat, un sort assez peu enviable pour que les démocrates l’aient promis sans arrêt à Donald Trump quand c’était lui le président. On écartait tout à fait la possibilité qu’il puisse briguer un deuxième mandat. Or voilà qu’il en est maintenant question. Depuis quand ce retournement ? Depuis qu’il a surgi de son anesthésie comme un diable de sa boîte. Si c’est là tout l’effet que lui faisait cette petite mort, sûr qu’il faut compter avec lui en 2024. Ce serait lui le candidat démocrate, non pas Kamala Harris, comme tout le monde le supposait jusque-là. Le fait est que Joe Biden est sorti de l’hôpital d’un bien meilleur pied que celui dont il y était entré. Si anesthésie générale il y a eu, elle lui a fait du bien, l’a requinqué. Mis en orbite pour un deuxième mandat, au grand dam de sa vice-présidente.