Lors de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2002, des dizaines de manifestations plus ou moins spontanées avait eu lieu dans plusieurs villes de France pour protester contre la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour du scrutin. Sans détour, la classe politique d’alors avait dans son ensemble appelé à voter pour son adversaire, Jacques Chirac, candidat alors à sa propre succession. La nécessité d’un «front républicain» était martelé non pas seulement par les responsables politiques, mais également par les médias et le monde de la culture. Dimanche dernier, après la victoire de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle, les appels au «front républicain» se sont fait bien plus timides. Plusieurs personnalités politiques ayant même décidé d’assumer leur refus à appeler à voter pour Emmanuel Macron pour faire barrage à la candidate du Rassemblement National. Pourtant, plus les jours passent et plus la mobilisation «anti-Le Pen» semble croître, poussant Marine Le Pen à s’élever contre les manifestations organisées ce week-end en France contre l’extrême droite, les jugeant «profondément antidémocrates». «Venir manifester contre les résultats d’une élection, je trouve que c’est profondément antidémocrate. Donc, je pense que les Français trouvent ça désagréable de voir que leur choix est ainsi contesté dans la rue, par l’intermédiaire de manifestations», a déclaré la candidate RN devant la presse, lors d’un déplacement à Saint-Rémy-sur-Avre, en Eure-et-Loir. «J’ai envie de dire à tous ces gens : allez donc voter !», a-t-elle lancé, à huit jours du second tour. «Je crois que (les manifestants) ne vont pas être très nombreux, j’ai connu par le passé des choses un peu plus spectaculaires», a glissé, par ailleurs, Marine Le Pen. Environ 15 000 manifestants sont attendus sur tout le territoire, selon les autorités. Ils répondent à l’appel de plus de trente organisations et syndicats dont SOS Racisme, la CGT ou le Syndicat de la magistrature. Selon la candidate d’extrême droite, «si le système met en œuvre une telle diabolisation c’est qu’il a peur». Entre ces manifestations et les multiples tribunes appelant à voter Emmanuel Macron, «cette agitation brutale à laquelle on assiste entre les deux tours est là encore assez peu respectueuse de la démocratie», a encore jugé Marine Le Pen, d’après laquelle le «système», que symbolise à ses yeux Emmanuel Macron et ses soutiens, «s’inquiète car il voit que le peuple a envie de reprendre le pouvoir». Reste à voir si la mobilisation sera au rendez-vous, comme l’espère les pro-Macron et les anti-Le Pen, ou si l’opposition contre le président en exercice, qui a accumulé ces cinq dernières années les rancœurs à son égard, sera plus forte que celle contre le Rassemblement National et sa candidate ou si comme le pense Marine Le Pen, elle a, cette fois-ci, une véritable chance de gagner la course à l’Élysée.