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dimanche 4 juin 2023

Mission

Alors que Washington s’apprête le 11 septembre prochain à quitter définitivement l’Afghanistan, c’est aujourd’hui avec un autre pays envahi par George W. Bush que le président américain Joe Biden déclare cesser d’ici la fin de l’année la «mission de combat» en Irak, pour engager une «nouvelle phase» de coopération militaire avec le pays. «Nous ne serons pas à la fin de l’année dans une mission de combat en Irak mais notre coopération contre le terrorisme continuera même dans cette nouvelle phase, dont nous discutons», a dit Joe Biden, aux côtés du Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, qu’il a reçu cette semaine à la Maison-Blanche, sans toutefois faire d’annonce concrète sur les effectifs déployés en Irak. Il a expliqué que le «rôle des militaires américains en Irak serait de former et assister les forces irakiennes face au groupe djihadiste État islamique (EI)», sans donner de calendrier ni d’éléments concrets concernant les effectifs. «Notre relation est plus solide que jamais», a dit le Premier ministre irakien, venu chercher à Washington un signal politique lui permettant de consolider un peu sa position très précaire, à trois mois des élections législatives. A la tête d’un pays ravagé par la corruption, la pauvreté et la pandémie, avec plus de 12 000 cas de contaminations au coronavirus enregistrées ces dernières 24 heures, du jamais vu, Moustafa al-Kazimi est tiraillé entre l’allié américain et de puissantes factions pro-Iran. Dans les faits, les experts n’attendent pas de changement majeur, la présence militaire américaine dans le pays n’étant, de fait, plus considérée comme une force d’intervention active. La majorité des troupes américaines, envoyées en 2014 dans le cadre d’une coalition internationale pour aider Baghdad à défaire l’EI, ont été retirées sous la présidence de Donald Trump. Et officiellement, les quelque 2 500 militaires américains encore déployés dans le pays ne combattent pas et jouent déjà un rôle de «conseillers» et de «formateurs». Avec cette fin annoncée de la «mission de combat», le Premier ministre irakien espère reprendre un peu l’ascendant sur les puissantes factions pro-Téhéran regroupées au sein du Hachd al-Chaabi, coalition à la fois paramilitaire et intégrée à l’État. Ces factions, qui sont soupçonnées d’avoir mené depuis le début de l’année une cinquantaine d’attaques contre les intérêts américains en Irak, réclament le départ pur et simple de toutes les troupes déployées par Washington. Mais cela paraît très improbable, alors que des cellules résiduelles de l’EI restent actives dans le pays. Ramzy Hierni, spécialiste de l’Irak au Pearson Institute de l’université de Chicago, fait valoir que le président américain risquerait de subir un «coût politique» conséquent si le scénario de 2011 se reproduisait. A savoir, un retrait américain largement considéré comme une erreur stratégique majeure, qui a permis l’émergence de l’EI. L’Irak est par ailleurs un maillon important du dispositif stratégique des États-Unis, qui mènent les opérations de la coalition antijihadiste en Syrie voisine. Et pas question pour Washington d’abandonner le pays à l’influence iranienne, en plein regain de tensions entre Iran et États-Unis, même si ces derniers entendent toujours sauver l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien. Ainsi, l’Irak semble bénéficier d’un meilleur traitement que l’Afghanistan, dont les Américains veulent pouvoir se laver les mains le plus vite possible, alors qu’une relation plus étroite se met en place avec les Irakiens qui, s’ils sont nombreux à garder rancune aux Américains d’avoir dynamiter leur pays il y a près de vingt ans, souhaitent également une transition souple, plus à même de mener le pays vers une sortie de crise et d’un retour à la normale, pour les millions d’Irakiens qui vivent dans la terreur depuis dix-huit ans maintenant.

F. M.

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