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vendredi 19 avril 2024

Misrata n’a pas vocation à réunifier la Libye

Depuis la chute du régime Kadhafi en 2011, consécutive à l’intervention de l’Otan, rien n’a réussi à restaurer l’unité politique de la Libye. On a bien cru cependant y parvenir, une première fois entre avril 2019 et juin 2020, avec l’offensive sur Tripoli des forces armées de l’est commandées par le général Khalifa Haftar, puis ensuite, après que cette solution militaire eut tourné court, avec le dialogue politique interlibyen, et les conférences internationales de Berlin, le tout débouchant sur une feuille de route sur laquelle semblaient s’accorder toutes les factions libyennes. La manière forte ayant échoué, alors même qu’elle avait été encouragée en sous-main par les puissances concernées à un titre ou à un autre par la crise libyenne, on avait cru un moment que du moins la solution politique allait maintenant pouvoir prendre son essor. C’est en tout cas ce qui semblait se passer, avec dans un premier temps l’établissement d’un cessez-le-feu « national et permanent », comme il fut qualifié, puis le lancement du dialogue politique entre les parties prenantes libyennes. Le cessez-le-feu est la seule chose qui ait tenu la route depuis son adoption en octobre 2020. Tout ce qui est politique a par contre échoué : les élections prévues pour fin décembre 2021, qui au bout du compte n’ont pas eu lieu, ensuite le consensus  survenu contre toute attente entre le Parlement libyen relevant de Tobrouk, et le Haut Conseil d’Etat basé à Tripoli,  qui s’est traduit par la désignation d’un nouveau Premier ministre, Fathi Bashagha, en remplacement de Abdelhamid Dbeibah, le Premier ministre issu du Forum du dialogue politique.  La Libye en est là aujourd’hui : un gouvernement en place à Tripoli, et un deuxième hors de Tripoli, qui veut rentrer à Tripoli pour y prendre ses fonctions, mais qui ne le peut pas, du fait de l’opposition du gouvernement Dbeibah, qui n’entend céder la place qu’à un gouvernement dûment élu. Ces derniers jours, la production d’un important champ pétrolier s’est arrêtée sur  intrusion d’un groupe armé, dont on ne sait  d’ailleurs de quel gouvernement il relève précisément, celui de Dbeibah ou de son rival, celui de Bashagha. En fait, dans le contexte mondial actuel, où tous les regards sont tournés vers la guerre en Ukraine,  les Libyens n’ont qu’un seul moyen d’attirer l’attention sur leurs problèmes : en usant de l’arme du pétrole, quitte à ce qu’ils en soient la première victime. La nouvelle pierre d’achoppement, consistant en l’existence de deux gouvernements,  a été d’autant plus imprévisible qu’elle se produisait à l’intérieur d’une même faction, celle de Misrata, la principale force armée à l’ouest du pays, Dbeibah et Bashagha en provenant tous deux. Ce qui devrait être un puissant facteur en faveur de l’unité se révèle à l’expérience un ferment de désunion. Pour réunifier la Libye sous son hégémonie, Misrata devrait commencer par régler sa propre division interne, s’incarnant en deux gouvernements emmenés par deux hommes issus de ses rangs. A la cassure Tobrouk-Tripoli s’est ainsi substituée une autre, d’autant plus difficile à surmonter celle-là qu’elle survient au sein d’une même milice. L’exemple libyen nous montre que lorsqu’un pays perd son unité, il ne peut la recouvrer  que sous l’hégémonie d’une de ses composantes, que celle-ci soit politique ou militaire, ou les deux à la fois. Misrata  fournit depuis des mois la preuve que telle n’est pas sa vocation. Qu’elle n’est pas faite pour servir à la Libye d’ossature sur laquelle celle-ci viendra à nouveau se tendre.

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